Chroniques

Siskiyou – Nervous

Début janvier, Siskiyou, groupe indie folk de Vancouver a sorti son troisième effort, “Nervous”. L’album est né dans des circonstances particulières. En 2011, Colin Huebert, maître d’oeuvre de la formation, s’est révélé atteint du pire mal pour un musicien : l’hyperacousie (mal qui se caractérise par un seuil de tolérance au bruit anormalement bas). Quelle musique peut sortir alors de tout cela ?

Écrit dans la douleur et les crises d’angoisse du leader, l’ensemble, aux sonorités multiples, se révèle surprenant. Les précédents essais avaient un accent plutôt folk/country avec l’ombre d’un Neil Young planante au dessus de leurs compositions. Aujourd’hui, Siskiyou explore d’autres sphères musicales et propose un rock parfois plus atmosphérique, voir psychédélique, le tout très teinté de pop et se rapprochant par touche de Joy Division, Suede, The Smiths, Pink Floyd etc. Malgré des compositions complexes, “Nervous” reste plus accessible que ses prédécesseurs. Il est rythmé avec intensité et contient bon nombre d’éléments chaotiques qui ne se dévoilent qu’au fur et à mesure des écoutes. Un budget plus conséquent pour l’enregistrement leur a permis de réaliser leurs envies et de prendre leur temps. Ils ont pu faire appel à pas mal de guests (des cuivres et des cordes). Mais aussi les choeurs de la St James Music Academy Senior Choir pour la chanson d’introduction, “Deserter”. Ce chant pose d’entrée une ambiance inquiétante. Tout l’effort est imprégné des angoisses et des démons de Colin Huebert. “I am in hell maybe I am just dreaming”, “I’ve got a devil on my shoulder” sont quelques exemples des paroles que l’ont pourra trouver dans ce disque. Cet opus est le témoignage du mal qui ronge Huebert, mais il apporte aussi la solution. L’éponyme “Nervous” est le plus emblématique. Colin y expose son mal. L’impression d’un son enfermé. Comme s’il voulait nous faire ressentir ce qu’il vit. Il y crie sa douleur, mais dans une tonalité acceptable pour lui. Par ce morceau, il explique aussi comment il arrive à s’en sortir : par la méditation. La musique, responsable de son mal, est aussi sa thérapie. L’artwork créé par Michael Drebert a d’ailleurs des allures de test de Rorschach. Tout au long, la voix de Drebert caresse notre âme comme un doux murmure. Comme le bruit du vent que l’on entend sur quelques titres. Le son du silence.

Ce n’est pas un album que nous offre Siskiyou. Mais une expérience. C’est une véritable déclaration d’amour schizophrénique à sa passion : la musique. D’un côté elle lui fait du mal, mais de l’autre, elle le sauve. Colin a révélé lors d’une interview qu’il n’était pas adepte du live et que l’effort était très compliqué à reproduire sur scène. Il y a donc peu de chances de les revoir en concert par chez nous. Dommage.

Informations

Label : Constellation / Differ-Ant
Date de sortie : 19/01/2015
Site web : siskiyouband.com

Notre sélection

  • Nervous
  • Deserter
  • Oval Window

Note RUL

2.5/5

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