Chroniques

Shaka Ponk – The White Pixel Ape

Si vous n’habitez pas dans une cave, il est alors impossible pour vous d’avoir vécu en France ces dernières années sans avoir entendu un titre des Shaka Ponk à la radio ou d’avoir cliqué sur un des clips de ces énergumènes adeptes du DIY. Composée de Frah et Samaha – qui a officiellement rejoint le groupe dès le troisième album – au chant, CC à la guitare, Mandris à la basse, Steve au clavier et Ion à la batterie, la formation, dont la célèbre mascotte virtuelle Goz est considérée comme le septième membre, n’a cessé d’accroitre sa popularité au fil des albums, toujours emprunts d’une signature musicale et visuelle uniques, inimitables et de qualité. Trois ans après le très bon “The Geeks And The Jerkin’ Socks”, le groupe à l’appellation alliant esprit bouddhiste (“Shaka” étant le nom du premier bouddha) à l’esprit punk (“Ponk”, vous l’aurez deviné) revient sur le devant de la scène avec un quatrième album, intitulé “The White Pixel Ape (Smoking Isolate To Keep In Shape)”.

C’est parti pour l’écoute du nouveau bébé des français les plus déjantés du genre avec le premier titre du disque, intitulé “Lucky G1rl”. Les guitares vibrent et la voix de Frah se mêle à un rythme rock n’roll entraînant, ponctué en son bridge de chœurs assurés par Samaha. On retrouve alors dès la première piste une des marques de fabrique du groupe, à savoir le mélange des langues (“a jolie lucky girl”) dans des paroles qui témoignent d’une envie de voyage et d’aventure. Un morceau plein de vitalité et de fougue qui nous laisserait même nous imaginer au volant d’une décapotable, les cheveux au vent ! On continue dans la gaieté avec “Wanna Get Free”, premier single officiel paru en janvier et déjà bien apprécié par la fanbase. Si le précédent morceau était principalement interprété par Frah, cette nouvelle track mettra Sam à l’honneur sur une rythmique assez linéaire mais farouchement hypnotique, accentuée par un refrain ni plus ni moins irrésistible. L’emprunte Shaka est maintenant clairement reconnaissable grâce à un mélange de pop, rock ou encore funk produit par un savant cocktail de bidouillages électroniques, et le côté expérimental demeure toujours aussi présent avec notamment la voix synthétisée de la chanteuse. Les minutes s’écoulent et le début de “Scarify”, sonné par des trompettes, commence en toute sensualité grâce à la voix langoureuse de Samaha, qui assurera les notes hautes au refrain. Chouette, un morceau 100% féminin, tout comme “Sex Ball” (tiré de “The Geeks And The Jerkin’ Socks”) ! Mais trois minutes passent et… surprise ! L’américain Adam Turner alias Beat Assailant, ayant déjà collaboré avec la bande sur “Old School Rocka” issu du précédent album, rejoint une Sam féline et fait valoir son flow dans un passage rap, renforçant un peu plus la fraîcheur et le groove du morceau. Cependant, l’opus, bien que sympathique jusque-là, fait plus office de caresse aux tympans que de véritable mitraillette de décibels, et l’on commence à se demander quand le côté “Ponk” va prendre le dessus sur le côté “Shaka”… Il faudra alors attendre “Black Listed” pour que l’ensemble décolle enfin. En effet, entre rythmique déstabilisante au tempo très soutenu, guitares déchaînées et paroles délirantes aux accents franco-anglo-espagnol, cette musique explosive aux sonorités beaucoup plus heavy, d’ailleurs utilisée comme opening song lors de la nouvelle tournée “The White Pixel Ape Tour” [voir report “La Musicale Live“], donne un véritable coup de punch au disque et réveille l’auditeur qui attendait patiemment d’être secoué comme il faut. Le morceau se conclut (du moins en apparence) avec Frah chuchotant un “have you lost your mind?”, avant que les fûts de Ion s’agitent de plus belle et que les cordes de CC et Mandris vibrent très rapidement, retardant encore la fin de la chanson. Le collectif semble se rattraper et l’on reconnaît une fois de plus le Shaka Ponk que l’on apprécie avec “An Eloquent”, qui annonce le retour en force de l’électro chez Shaka. Frah use une fois de plus de sa palette vocale unique et reconnaissable entre mille sur ce titre à la patate d’enfer et aux paroles provocatrices : “I’m taking off my pants and it says Hello you!”. Les pistes se suivent mais ne se ressemblent pas, oscillant entre mix de country et de heavy sur “Wotz Goin’ On”, rythme de cirque avec “Story O’ My LF” ou encore côté jazzy avec “Last Alone”. Mais un des meilleurs exemples de cette variété volontaire est nommée “Heal Me Kill Me”, une mélodie à la limite de la ballade, sur laquelle Samaha semble chanter l’amour, ou plutôt les complications qui en découlent, prononçant des paroles au ton d’ultimatum émouvant : “we don’t need to make love again, we’re not gonna be just friends. If it’s not love and we’re not bound, just put me down”. La team de Goz, habituellement si déjantée, s’aventure alors sur un terrain nouveau, les violons vers la fin, accentuant encore plus la douceur de la chanson. Mais il ne faut pas trop en attendre de Shaka niveau douceur et mots doux, et la dernière track nous rappellera que la formation est avant tout connue pour être des ovnis emprunts d’une folie incurable et d’une énergie contagieuse. “6xLove”, chanson à caractère religieux, mais probablement satirique, ponctuée d’un speech pro-God en sa moitié ainsi que de sons de cloches d’église, conclut alors l’essai sur une note beaucoup plus dynamique.

L’identité visuelle de Shaka est toujours aussi omniprésente avec un artwork toujours aussi original et de qualité, mettant en scène un Goz de plus en plus modernisé, rappelant que les frenchies sont bien des patrons du graphisme et des bidouillages informatiques en tous genres. Le booklet de l’album n’y échappera pas : les geeks du groupe ont décidé de désacraliser un des tableaux les plus connus de l’Histoire de l’Art et ont alors repris “La Cène” de Léonard De Vinci, les apôtres étant remplacés par les membres du groupe représentés de manière quelque peu morbide, moitié squelettes, moitié zombies. L’originalité se retrouve également dans les titres des chansons, rappelant ceux de “Loco Con Da Frenchy Talkin'” (2006). Mais si l’on s’attendait à un effort aussi barré que ses prédécesseurs au niveau musical, c’est un Shaka Ponk s’affichant dans un style un tantinet plus posé que l’auditeur rencontre. Certes, ce nouvel opus est plus varié qu’un “The Geeks And The Jerkin’ Socks” plutôt homogène, mais beaucoup moins accrocheur et surexcité qu’un “Bad Porn Movie Trax” (2009). Plutôt que d’apporter du mouvement à l’ensemble, l’album s’essouffle puis repart de plus belle avant de s’essouffler encore une fois, laissant l’auditeur sur le bas-côté avant de le récupérer avec la chanson suivante, et le cycle se répètera sans cesse. Sans être une immense déception ni le disque de l’année, “The White Pixel Ape” demeure cependant très agréable à écouter, comportant même quelques titres irrésistibles qui vous resteront en tête pendant des heures et auront le mérite de remuer un Zénith entier. Mais rien n’y fait, quelque chose manque à l’appel… Si l’opus nécessite plusieurs écoutes afin que le meilleur de sa musicalité en ressorte, il semblerait que le grain de folie des crazy monkeyz soit malheureusement en voie de guérison… du moins, en studio !

Informations

Label : Tôt Ou Tard
Date de sortie : 17/03/2014
Site web : www.shakaponk.com

Notre sélection

  • Wanna Get Free
  • Black Listed
  • An Eloquent

Note RUL

4/5

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