Plus de 25 ans après son dernier album, un hiatus non officiel et le décès du bassiste original Steve Mackey, la bande de Jarvis Cocker, qui avait largement contribué au rayonnement de la Britpop dans les années 90, est bel et bien de retour avec un nouveau disque, More.
Comme si de rien n’était
More est un album qui semble surgir d’un continuum invisible, comme si le temps s’était simplement mis en pause. Un hommage vibrant pour leur compagnon disparu, on y retrouve la voix de Jarvis Cocker, toujours aussi singulière, qui oscille entre chant et narration avec cette précision presque clinique, mais jamais froide. Dès les premières notes, on retrouve cette familiarité troublante, ce ton à la fois distant et intime qui a fait la marque du groupe.
L’ensemble alterne avec justesse entre morceaux pop et ballades plus lentes, sans jamais tomber dans la redite. Les deux singles, “Spike Island” et “Got To Have Love”, se détachent par leur énergie maîtrisée et une production léchée, taillée pour les ondes sans sacrifier la personnalité du groupe. On y retrouve cette capacité rare à faire danser les idées et les pensées les plus simples comme les plus complexes.
L’atout Cocker et la corde sensible
Cocker n’a donc rien perdu de son talent pour raconter l’ordinaire avec une acuité désarmante. Mais sur More, il y ajoute une touche de vulnérabilité nouvelle, plus mature. Les textes, toujours aussi affûtés, semblent cette fois traversés par une émotion plus nue, plus directe. Il y a dans sa voix une gravité douce, une forme de tendresse qui affleure sans jamais verser dans le pathos.
Les arrangements à cordes, présents sur plusieurs titres comme “Slow Jam” ou “Tina”, viennent souligner cette sensibilité avec élégance. Ils prolongent le travail amorcé sur We Love Life (2001), mais avec plus de retenue, plus de maturité. “Slow Jam”, en particulier, incarne cette alchimie : une langueur mélancolique, un groove discret, et une montée finale qui s’éteint dans un fondu instrumental d’une grande beauté.
Intergénérationnel
More n’est pas seulement un retour réussi : c’est une passerelle. Pour celles et ceux qui n’ont pas connu Pulp à son apogée, c’est une porte d’entrée idéale. L’album est ancré dans son époque, mais reste fidèle à l’essence du groupe : une pop intelligente, ironique, profondément humaine.
Des morceaux comme “Farmers Market” ou “Background Noise” rappellent combien Cocker excelle dans l’art de la narration du quotidien. “My Sex”, plus déroutant, demande plusieurs écoutes pour en révéler les subtilités, tandis que “The Hymn Of The North”, peu avant la clôture, s’élève lentement vers une intensité lumineuse, magnifiée par le piano de Chilly Gonzales. La fin du disque perd un peu en intensité à partir de “Partial Eclipse”, mais c’est un ralentissement presque méditatif.
More est un retour à la fois humble et magistral. Un album qui ne fait pas tant de bruit, qui nécessite plusieurs écoutes mais qui résonne longtemps après la dernière note. Pulp prouve ici qu’il n’a rien perdu de sa pertinence, au contraire, il a gagné en profondeur.
Informations
Label : Rough Trade Records
Date de sortie : 06/06/2025
Site web : welovepulp.info
Notre sélection
- Spike Island
- Tina
- The Hymn of the North
Note RUL
4/5