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Perturbator – Lustful Sacraments

Cinq longues années. C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour que Perturbator sorte de l’ombre avec un nouvel album. Entre temps, le Français n’a pas chômé puisqu’il a tourné en Europe et aux Etats-Unis, participé au Red Bull Music Festival à Paris aux côtés d’Alcest ou encore au documentaire “The Rise Of The Synths” sur la synthwave. Ajoutez à cela une pandémie mondiale et “Lustful Sacraments” ne pointe le bout de son nez qu’en 2021. La patience sera-t-elle récompensée ?

La religion s’invite à la fête

Avant de plonger dans l’analyse musicale de ce cinquième disque, il convient d’expliciter son titre, véritable clé d’entrée pour aborder ce nouvel album. “Lustful Sacraments” pourrait être traduit par “Sacrements Lubriques”. “Lust” renvoie directement à la luxure, l’un des sept péchés capitaux de la religion catholique. Or, James Kent se déclare athée bien que fervent utilisateur de la symbologie du satanisme dans sa musique. Il suffit de regarder la pochette de “Dangerous Days” (2014) sur lequel est dessiné un pentagramme inversé pour le comprendre. Plus subversif que jamais, Perturbator n’hésite pas à employer le champ lexical de la religion pour décrire nos plus sombres travers. Dès lors, il n’est pas étonnant de lire que “c’est un album sur les mauvaises habitudes, l’insatisfaction et la dépendance. Un regard global sur la façon dont nous, en tant qu’espèces, penchons vers l’autodestruction.”

Il faut savoir pêcher pour briller

Le premier single “The Death Of The Soul” illustre avec brio le propos. Seul clip de l’ensemble à ce jour, on y voit un flipper dans lequel un humain glisse une pièce de vingt-cinq cents pour lancer la partie. Un motif industriel oppressant et des spokens words fantomatiques plongent l’auditeur dans la folie d’une nuit d’excès. Nuit que l’on imagine aussi bien dans une discothèque morbide aux néons roses que dans un film de Gaspar Noé. Et pourtant, les arpèges de guitares, gorgées de reverb, entrent dans la danse et donnent un côté impérieux à l’ensemble. C’est sans doute le tour de force de ce disque. En utilisant les grosses nappes de claviers et les ambiances décadentes qui ont fait son succès, Perturbator ne perd pas son identité. Mais en ajoutant des mélodies post punk dansantes (“Excess”) ou des nappes de claviers complètement cosmiques (“The Other Place”), le one man band va un cran plus loin. Il nous fait comprendre qu’il faut savoir pêcher pour s’autoriser à briller. Maintes fois, l’obscurité prépondérante de “Lustful Sacraments” est partiellement chassée par un sentiment contrasté d’extase et de belles accalmies qui apportent du relief et des respirations à l’album.

Une décadence aux voix multiples

Ce n’est un secret pour personne, les inspirations du Français vont du post punk au black metal. Elles ont toujours eu un impact sur l’imagerie et la façon dont Perturbator était classé auprès de ses pairs, sans toutefois s’immiscer directement dans sa musique. La pochette, plutôt énigmatique, laisse entrevoir une ronde humaine lors d’une célébration occulte.  A l’image de l’artwork de “Lustful Sacraments”, James prend par la main ses influences pour faire corps avec. Une série de featuring lui permet d’élargir son spectre musical tout en évitant l’écueil de l’album de synthwave uniquement instrumental et à fortiori indigeste. Sur “Secret Devotion” avec True Body au chant, on flirte avec une pop vaporeuse et électronique teintée de new wave. Un plongeon sans concession dans les années 80. A l’inverse, sur le majestueux final “God Says”, James invite le chanteur du groupe de metal français Hangman’s Chair. Digne d’une bande son de film d’horreur, le titre s’étire sur huit minutes lors desquels Perturbator propose des nappes de claviers fantomatiques jusqu’à un final explosif où le chanteur atteint de superbes aigus. Symbole véritable d’une délivrance que James s’est octroyée sur l’ensemble de ce “Lustful Sacraments”.

Au sommet de son art

Véritable ovni, “Lustful Sacraments” est sans l’ombre d’un doute l’album le plus abouti de la carrière de Perturbator. Gros claviers industriels, envolées stellaires et guitares aériennes se lancent dans une longue valse où les nombreuses influences de James se conjuguent de manière habile et cohérente. Avec autant de génie que de curiosité, Perturbator s’empare de nouvelles sphères musicales. Déjà pressenti comme un artiste novateur, James Kent continue de bousculer les codes d’une synthwave qui n’appartient à aucune scène.

Informations

Label : Blood Music
Date de sortie : 28/05/2021
Site web : perturbator.com

Notre sélection

  • Lustful Sacraments
  • Death of The Soul
  • The Other Place

Note RUL

 4/5