Chroniques

Paramore – After Laughter

Pression à la suite du succès critique et commercial du self-titled “Paramore” (2013), problèmes personnels et chassé croisé de ses membres, la réalisation d’un nouvel album semblait peu évidente pour Paramore. Et pourtant, le 12 mai dernier, la bande de Nashville a dévoilé son cinquième effort, “After Laughter” (Atlantic Records/Fueled By Ramen). Au bord de l’implosion après le départ pour des questions de royalties du bassiste originel Jeremy Davis, le groupe vit un énième coup de théâtre quand Zac Farro, batteur s’étant éclipsé du line up sept ans plus tôt, annonce son retour au sein de la bande d’Hayley Williams et de Taylor York. Accompagné à la production et à la basse par Justin Meldal-Johnsen (M83, Nine Inch Nails), le nouveau combo repart gonflé à bloc sur un album introspectif.

Nouveau line up, nouveau départ, la formation profite de ce renouvellement pour accomplir la mutation amorcée sur son précédent essai. N’en déplaise aux nostalgiques de 2007, le détachement progressif du groupe au pop punk nerveux de ses débuts est complet. La pochette bigarrée et les catchy premiers singles, “Hard Times” et “Told You So” sont de bons annonciateurs du reste du programme. Une pop à guitares pétillante et sucrée nourrie aux synthés, enrobée d’un esthétique idyllique irrésistiblement 80’s. Mais sous cette couche de vernis éclatant, toujours cette angoisse, ce ressentiment et cette honnêteté brute. Des thématiques qui faisaient déjà vociférer Hayley Williams sur “Riot!”, mais ici, d’une manière plus mature, empreinte d’une certaine lassitude.

Ouvrir sur un morceau nommé “Hard Times” n’a rien d’anodin. Pour chaque beat entêtant, pour chaque riff ensoleillé, un contrepoids poétique à base de larmes et d’amertume. Tapant dans le fonds de commerce de Twenty One Pilots, Paramore s’amuse à dédiaboliser ses démons avec des refrains terriblement accrocheurs. La basse groovy, couplée à des sonorités de xylophone sur “Hard Times” et “Told You So”, rayonne d’insouciance alors qu’Hayley Williams aborde son anxiété et ses problèmes personnels. Sur “Rose-Colored Boy” et “Fake Happy”, c’est sur ce même ton enjoué qu’elle réclame le droit d’arrêter de dissimuler ses larmes derrière un sourire. Sur une pop indé rêveuse rappelant HAIM, la chanteuse évoque les réconciliations au sein du trio, avec la power ballade aérienne “Forgiveness” ou encore “Grudges”. Comme sortie d’une autre époque, cette piste à la douceur mélancolique, laisse entendre la voix de Zac Farro, qui se retrouve à chanter sur une chanson dont il est le principal instigateur.

Mais le ciel se noircit sur “26”, une ballade acoustique voix/violons digne d’un Disney. Plus déstabilisante, la piste de fermeture “Tell Me How”, sur un fond de piano et une ambiance tropicale, dévoile une Hayley Williams vulnérable. La fin de l’ensemble, introspective, réserve des surprises. Si la voix de la chanteuse est généralement douce et posée sur “After Laughter”, “Caught In The Middle” et “Idle Worship” lui permettent de retrouver sa hargne. Sur ce morceau plus énervé, c’est à la relation fan/artiste que la jeune femme s’attaque. Mal à l’aise avec son image de modèle, elle rejette toute forme d’idolâtrie. Plus loin dans l’introspection, les paroles de “No Friend” regorgent de références à l’histoire de Paramore et à d’anciennes paroles. Mais si ce morceau se démarque vraiment – et vous fera probablement vérifier que le mode aléatoire ne s’est pas déclenché tout seul pour changer de disque – c’est parce que pour la première fois, pas d’Hayley Williams sur un morceau de Paramore, c’est Aaron Weiss, frontman de MewithoutYou, qui prend le micro. Son slam inquiétant, presque inintelligible, porté par un riff sombre, fait figure d’ovni dans la discographie du trio.

Avec “After Laughter”, Paramore marque par son audace et sa maturité. Semblant plus soudé que jamais, le trio s’offre une expérience cathartique déguisée en album de pop alternative. S’il peut paraitre décousu tant les ambiances et les genres divergent, “After Laughter” est un puissant déclencheur d’émotions, dont les sonorités mainstream cachent une complexité et une honnêteté saisissante.

Informations

Label : Fueled By Ramen / Warner Music
Date de sortie : 12/05/2017
Site web : www.paramore.net

Notre sélection

  • Idle Worship
  • Fake Happy
  • Grudges

Note RUL

4/5

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