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Olivia Rodrigo – GUTS

Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître ! Le 21 mai 2021, dans un monde post-confinement, Olivia Rodrigo faisait déferler une nouvelle vague beaucoup moins amère que son titre, SOUR, ne le laissait présager. Porté par les hymnes “good 4 u” ou “traitor”, ce disque a propulsé son auteure dans le gratin de la pop mondiale. Cette dernière a donc décidé de repartir avec son principal partenaire créatif, Daniel Nigro, suivant le conseil d’un certain Jack White d’écrire des chansons qu’elle aurait aimé entendre à la radio. De quoi assurer le même succès ?

It’s Still Brutal Here

Le raz de marée SOUR n’a pas été sans conséquence sur la vie de la jeune femme, tout juste majeure au moment de sa sortie. Pourtant, contrairement à d’autres artistes, elle ne s’appesantit que très peu sur les affres de la célébrité. Répété comme un mantra sur le titre “making the bed”, elle assume, au contraire, d’être à l’origine de certains de ses déboires (“Je joue si bien la victime dans ma tête / Mais c’est moi qui fais le lit“). Ne reste qu’un constat, factuel : “J’ai obtenu ce que je voulais, ce n’est juste pas ce que j’imaginais“.

La jeune femme s’inscrit dans les pas de Taylor Swift par sa capacité à donner à ses écrits une résonance universelle. Les fans retrouveront cette fenêtre sur ses vulnérabilités, faisant échos à leurs propres insécurités. “the grudge” et “logical” reprennent ainsi le flambeau de “driver’s license”, avec une sensibilité extrêmement bien retranscrite. S’éloignant du piano-voix qui a fait sa renommée, Rodrigo a l’intelligence d’emballer son single “vampire” en chanson à tiroirs, pour éviter l’air de déjà-vu. “lacy” est également l’occasion de découvrir des influences folk celtiques, déployant des arpèges acoustiques sur un murmure que n’aurait pas renié Damien Rice.

Le sommet de son lyrisme est atteint sur la magistrale “pretty isn’t pretty”. Sa plume se fait extrêmement juste et honnête au moment de déclamer son cri du cœur contre les injonctions sociales : “J’ai acheté tous les vêtements qu’ils m’ont dit d’acheter / J’ai poursuivi un idéal idiot toute ma foutue vie / Et rien de tout cela n’a d’ importance, rien de tout cela ne se termine / Tu te sens juste comme de la merde encore et encore“. L’artiste conclut en confiant ses doutes en l’avenir durant “teenage dream” et son explosion finale à la Billie Eilish (“Tu as toute la vie devant toi, tu n’as que 19 ans. Mais j’ai peur qu’ils n’aient déjà volé toutes les meilleures parties de moi“). Ces deux titres projettent des orchestrations prometteuses, qui mériteraient d’être développées sur un prochain projet.

Énergique et (Im)pertinente

Durant son enfance, ses virées avec sa mère étaient l’occasion de récupérer des albums sans discernement à la braderie. Cette influence multiculturelle se retrouve dans ses morceaux les plus énergiques. La jeune femme y décline de nombreuses nuances de rock, avec une puissance remarquable. Distorsion et voix saturée, la mal-nommée “ballad of a homeschooled girl” s’imprègne avec succès de l’essence du rock alternatif des années 90, jusque dans son côté looser assumé (“J’ai ri au mauvais moment, j’ai recherché “comment entamer une conversation ?” sur un site web / Chaque fois que je sors, c’est un suicide social“).

Alors que ses chansons les plus calmes sont paradoxalement les plus brutes dans leurs thèmes, ces passages énergiques apportent une dimension récréative totalement jubilatoire. “get him back!” et ses chœurs fédérateurs empruntent le rap rock de Charlie XCX, pour envoyer quelques punchlines savoureuses à un ex (“Je veux lui embrasser le visage… avec un uppercut. Je veux rencontrer sa mère… juste pour lui dire que son fils est nul” ). “bad idea right?” ajoute également une dose de fun et de folie à l’ensemble. Cette volonté de renouer avec son ex, teintée de mauvaise foi, place avec beaucoup d’intelligence l’auditeur dans un rôle de confident. L’utilisation de phrases un peu décousues (“Il n’est pour moi qu’un ami (c’est le pire bobard que j’ai jamais raconté)“) contrebalance de formidables tirades bourrées d’auto-dérision (“J’ai dit à mes amis que je dormais, mais je n’ai jamais dit dans les draps de qui“).

Au moment où résonnent les dernières notes du disque, on réalise que la construction de la chanson d’ouverture, “all-american bitch”, reflète en tout point son auteure. Une première impression innocente, basculant soudainement vers une énergie rock sur un texte saupoudré d’ironie. Une tornade d’une polyvalence folle !

À contre-courant de certaines icônes désireuses de vendre un quotidien instagrammable et aseptisé, GUTS est une bouffée d’air frais. Se moquant des idéaux inaccessibles, c’est avant tout une voix singulière qui brille sur des ballades à fleur de peau, comme sur des bangers teen rock. Réussissant l’exploit de n’avoir aucun temps faible, ce second album assoit Olivia Rodrigo comme la popstar la plus intrigante de sa génération. Dans un paysage pop rock peinant à faire émerger des icônes, l’Américaine s’avère une formidable porte d’entrée dans le genre.

Informations

Label : Universal Music / Polydor
Date de sortie : 08/09/2023
Site web : www.oliviarodrigo.com

Notre sélection

  • pretty isn’t pretty
  • bad idea right?
  • ballad of a homeschooled girl

Note RUL

 4,5/5

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