Chroniques

Nosfell – Amour Massif

Près de cinq ans après son dernier album, “Nosfell” (2009), le chanteur reptilien revient avec un quatrième effort studio, “Amour Massif”, paru le 10 février. Une longue absence qui a permis à l’artiste de participer à un opéra avec le dessinateur Ludovic Debeurme, ainsi qu’à une tournée de deux ans avec le spectacle du chorégraphe Philippe Découflé, “Octopus”.

“Amour Massif” marque une nouvelle étape pour le parisien, qui était jusque-là comme issu d’un autre monde, en affirmant son dévouement à notre langue, baptisant pour la première fois son album en français. La discographie du compositeur français a doucement glissé en dehors de sa langue mystique, le klokobetz, pour rejoindre les subtilités de la langue de Molière, qui prend désormais le pas sur l’ensemble de son nouvel album. Comportant de l’anglais, du français et du klokobetz, l’album apparait comme une sorte d’étude mélodico-linguistique. Nosfell a travaillé en collaboration avec de nombreux noms français, dont Dominique A, qui a composé “Dans Des Chambres Fantômes” et “Même Si La Mer Ne Dit Rien”. Le disque signe une atmosphère bien étrange : la force animale et prédatrice de “Rainbowed”, la démence de “Hands”, la pesanteur sombre de “Rubicon”, la texture lugubre et légère de “Dans Des Chambres Fantômes”, le dynamisme de “The Hazard Of Wishing Wells” et “Fathers + Foes”, forment un corps créatif développé. Certains titres comme “Même Si La Mer Ne Dit Rien” ou “Ile Mogador”, passent, quant à eux, quasiment inaperçus en étant particulièrement plats, ou se transforment en de véritables vacarmes désorganisés avec “Sur La Berge”. Le choix très cru de l’univers narratif de “Cannibale”, ses sonorités calmes puis dynamiques, dans une ambiance mystérieuse mais éclatante, lui donne un aspect glauque et kitsch, particulièrement intéressant. Seules les quelques envolées de vocalises, aux aigus tremblotants et angéliques, nous ramènent à l’aspect divin de la musique de Nosfell, que l’on perd particulièrement dans cet effort. Le chanteur se dévoile avec sa poésie mise en mouvement dans une langue compréhensible, mais se pervertit tout à la fois, en délaissant ce qui faisait la magie de sa musique, sa marque créative inaliénable, pour une forme plus terre à terre, qui écrase toute la féérie qu’il possédait. Les quelques petites traces de Klokochazia, écartées par ce melting-pot linguistique, sont aussi discrètes qu’elles sont primordiales. Le pays natal imaginaire de l’artiste a une place structurante dans l’opus avec “Lj Koliv…” qui ouvre l’album, et “…Nar Lj Soliv” qui le ferme. Les deux morceaux complémentaires, qui sont également les plus étranges par leur aspect expérimental, s’appellent dans leur syntaxe comme deux membres séparés, deux parois nacrées d’un même coquillage, qui ne contient pas, malheureusement, la perle délicate que l’on pouvait attendre.

“Amour Massif” fait sortir Nosfell de son côté à part et singulier. L’artiste opère un réel changement, ce qui fait perdre à son univers musical en profondeur, et se fait plus superficielle par un aspect clair et trop accessible, et lève la part de mystère envoûtant que l’on reconnaissait au duo.

Informations

Label : Scherzo Production / Likadé
Date de sortie : 10/03/2014
Site web : www.nosfell.com

Notre sélection

  • …Nar Lj Soliv
  • Cannibale
  • Rubicon

Note RUL

2.5/5