Chroniques

Mike Krol – Power Chords

Encore inconnu du grand public, le nom de Mike Krol résonne dans l’univers du garage rock depuis le succès de son troisième album de 2015, “Turkey”. Quatre ans plus tard, le successeur de cet album concis et poignant fait surface sous le titre “Power Chords”, où on peut distinguer sur la pochette son auteur meurtri par la vie et par la composition de ce nouvel effort studio, coquard à l’appui mais sens de l’humour et rage dévastatrice intacts. Preuve qu’il est possible de conserver son âme d’adolescent piégé par le papier peint de sa chambre tout en évoluant dans un milieu musical sans pitié.

Sous le lit, on peut deviner aux premiers accords que des vinyles de la bande de Frank Black et de Daniel Johnston sont conservés tels des trésors qui ressurgissent à travers les notes en filigrane. Veuillez monter le volume à onze dès le titre éponyme, histoire d’optimiser la portée des premières paroles déclamées sous un crescendo de distortions. “I used to never understand the blues until the night I met you. just every day since, I’ve gotten better at guitar”. Les plaies ouvertes ont plus d’impact si on aime la musique, surtout quand le compositeur sait retranscrire ses problèmes quotidiens sans tomber dans le tragedy porn et en utilisant à bon escient un budget plus conséquent par rapport à ses premières sorties autofinancées. Un son un brin plus clair en ressort depuis “I Hate Jazz”, loin de nuire à la qualité de l’ensemble, et apportant une palette de nuances des plus délectables à chaque écoute.

De “An Ambulance” en passant par “The End”, chaque série d’accords fait mouche pour donner naissance à une chanson incontournable. Mélodie aérienne au service de riffs agressifs, Krol prend place au milieu du bestiaire des espèces rares qui décrivent pourtant ce qui peut sembler être des banalités vécus par le quidam lambda. Tout peut-être ordinaire sans l’art et la manière de le raconter. Une peine de coeur est bien plus excitante à suivre à travers la destruction du mur du son provoquée par une six cordes vengeresse ainsi que l’impassible médiator tenu par un poing fermé. Des questions martelées sur une ligne de basse peuvent être plus lourdes de sens, et Krol l’a très bien compris. Débarrassé du superflu, il compte aller à l’essentiel tout en demeurant une énigme.

Vulnérable mais imposant, le style de Krol est sublimé par une production aux petits oignons. Deuxième collaboration avec Merge Records, ce dernier vient de trouver le foyer où il peut s’exprimer librement en étant soi-même. Les prouesses remplacent les promesses, dégageant la voie vers un avenir prometteur dans l’industrie pour le jeune Californien. Continuant de faire vivre les beaux jours d’une vague du rock déferlant sur le monde depuis plus de trois décennies, il refuse tout de même les étiquettes d’une voix sincère tout en brouillant les pistes. Le changement de ton soudain d’un morceau à l’autre, de “Left For Dead” à “Blue And Pink” par exemple, est présent pour asseoir des influences tout en précisant l’essentiel, ce ne sont que des influences. Au diable la connotation punk ! Dehors le label power pop ! Il faut parfois savoir se contenter de laisser être.

Si un album porte bien son nom cette année, c’est bien “Power Chords”. D’une puissance émotionnelle flirtant avec des traits d’esprits, Mike Krol démontre que tout vient à point à qui sait attendre. Différent de son prédécesseur tout en conservant une impression forte sur son auditoire, il ne nous reste plus qu’à garder un regard sur l’horizon jusqu’au prochain passage sur nos platines du nom que nous vous demandons de retenir aujourd’hui. S’il vous faut un moyen mnémotechnique, ça rime avec Dave Grohl.

 

Informations

Label : Merge Records
Date de sortie : 25/01/2019
Site web : mikekrol.bandcamp.com

Notre sélection

  • An Ambulance
  • Blue And Pink
  • The End

Note RUL

4.5/5

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