Quand l’Amérique perd ses repères, Machine Gun Kelly cherche les siens. Après avoir bousculé la scène pop punk avec deux albums bien reçus, mgk prend tout le monde à contre-pied. Avec lost americana, l’artiste de Cleveland délaisse en grande partie la guitare saturée pour un disque plus introspectif, aux contours pop et à l’imagerie très colorée. Un virage réussi ?
Des blessures intimes au cœur du disque
“J’avais besoin de me retrouver. Et pour ça, il fallait que je change de décor sonore.” Ce décor, c’est un mélange de mélodies soyeuses, de ballades au piano et de mid-tempos atmosphériques, portés par une réalisation impeccable. Peut-être trop impeccable. Car si le disque affiche une cohérence et un vrai sens du détail, le résultat est trop lisse. C’est notamment le cas pour “cliché” ou “vampire diaries”. Comme s’il y avait une volonté de gommer les aspérités et le grain de folie qui faisaient aussi son charme.
Si lost americana marque un virage musical, c’est aussi un journal de bord émotionnel. L’ensemble présente un mgk plus vulnérable que jamais, notamment sur “treading water”, où il évoque sa rupture avec Megan Fox, sa tendance à l’auto-sabotage et une cure de désintoxication passée sous silence jusqu’ici. Loin du coup de gueule ou du cri punk, le morceau se construit comme une confession, sur fond de mélodie mélancolique. La force de l’album réside d’ailleurs dans ces moments où la façade pop se fissure. Lorsque le flot brut d’émotions trouve la place d’exister.
Sincérité fragile vs production lisse
Le lien le plus fort entre ce disque et son passé récent, c’est “orpheus”, une ballade au piano co-écrite avec Megan Fox. Inspirée du mythe d’Orphée et Eurydice, la chanson baigne dans une imagerie tragique : amour perdu, voyage aux enfers, impossibilité de retrouver l’être aimé. “Je trouverai l’Enfer où être piégé…“, chante-t-il avec une fragilité qui contraste avec ses excès d’antan. Cette collaboration est à la fois un témoignage artistique de leur lien et une mise en abîme de leur séparation, un geste rare dans un contexte de rupture ultra-médiatisée.
La production de lost americana est irréprochable. Chaque son est poli, chaque arrangement calibré pour un rendu limpide. C’est là que se joue la nuance, cette sophistication permet à mgk de se réinventer, mais elle laisse parfois un sentiment de trop-plein contrôlé. Des titres comme “don’t wait run fast” ou “outlaw overture” flirtent avec le rock radiophonique. Efficaces mais prévisibles. À l’inverse, quand mgk s’autorise la simplicité et la retenue, “cant stay here”, “orpheus”, “treading water”, la musique respire, et les mots frappent plus fort.
Une Amérique en filigrane
Derrière la confession personnelle, il y a aussi une réflexion sur l’état du pays. mgk, qui a invité Bob Dylan à narrer le trailer de l’album, inscrit lost americana dans une tradition de récits sur un rêve américain en crise. Les paroles dessinent une Amérique désenchantée, où l’errance personnelle devient métaphore collective. “Ce disque parle de ce que nous avons perdu, et de comment on essaye de recoller les morceaux“, explique-t-il.
lost americana est à la fois une réussite et un paradoxe. Réussite, parce qu’il montre un mgk capable d’élargir sa palette, de se mettre à nu et de soigner chaque détail. Paradoxe, car cette mue se fait au prix d’une certaine rugosité qui manquera à ceux qui l’ont aimé plus cru, plus imprévisible. Reste un album où la douleur et la douceur cohabitent, où la production satinée cache des cicatrices profondes. Peut-être est-ce ça, la nouvelle version de mgk : un artiste qui a appris à maquiller ses plaies… sans jamais les refermer tout à fait.
Informations
Label : Universal Music / Polydor
Date de sortie : 08/08/2025
Site web : www.machinegunkelly.com
Notre sélection
- treading water
- orpheus
- miss sunshine
Note RUL
3,5/5