Chroniques

Martinguerre – Mount Joie

Le 11 mars sortait en digital, dans l’indifférence la plus totale, un bijou folk made in France. Il s’agit de “Mount Joie”, le premier EP de Martinguerre. Enregistrés en deux jours par le chanteur-compositeur suédois Peter Von Poehl, ces cinq morceaux de guitares, francs et lumineux, sur lesquels la voix du chanteur français semble presque se briser tant elle est claire – font état d’une mélancolie joyeuse comme on en trouve encore dans le folk.

Les compositions sont fouillées, fournies mais pas fouillies. Au contraire, elles sont incroyablement riches et semblent pourtant aller d’elles-mêmes, à la fois douces, vibrantes et profondes. La fragilité de la voix de Martinguerre s’accorde à merveille avec les sons clairs et cuivrés des cymbales, les variations de rythme à l’acoustique. Les gimmicks et accords de sèche sont harmonieux, en totale symbiose avec le chant de la nature qu’on entend parfois au loin. Quant aux mélodies, elles sont tantôt teintées d’une joie sincère et spontanée, tantôt le reflet de blessures profondes avouées à demi-mots avec une bienveillance et un recul qui force le respect. Le chanteur est soutenu dans les choeurs par son acolyte suédois, dont on sent l’influence scandinave tout au long de l’ensemble. Les titres font d’ailleurs état de cette attraction pour le froid, les immensité blanches et le Grand Nord (“Winter Housing”, “Northern Man”).

L’EP s’ouvre sur l’acoustique “Winter Housing”, frais et champêtre, qui sonne comme le chant de la communion avec la nature, de la solitude aussi. Martinguerre réussi la prouesse de chanter les louanges de la petitesse de l’Homme face à la nature, comme une ode à l’immensité des forêts. Le clip de “From The Shadows” illustre bien cette dichotomie “faiblesse de l’Homme” / “force de la nature”. On y voit un homme jeter son corps frêle contre les solides troncs des sapins, qui, tandis qu’il saigne, restent inébranlables.

Si Martinguerre arbore une voix angélique pleine de sensibilité, elle n’en est pas moins nette et franche. Ses textes à la fois plein d’espoir et de détresse humaine, parlent d’ailleurs de sujets plutôt durs comme la tristesse de la perte, l’angoisse d’être seul au monde sur cette terre à la fois nourricière et hostile, sauvage et accueillante. La pochette de l’EP coupée en quatre fait écho aux cycles des saisons, qui semblent rythmer l’ascension du “mont joie”, présent lui aussi sur l’artwork.

On ne peut que replacer cet EP dans le contexte écologique actuel, de COP 21 et d’émulation autours de “The Revenant,” le film de Alejandro González Iñárritu, avec Tom Hardy et qui oscarisa Leonardo DiCaprio pour sa prestation, sauvage et survivaliste. L’homme frêle et fragile face la forêt sauvage est pure, qui le nargue de impassibilité éternelle et de son apparente plénitude.

Avec sa voix tendre et suave, le jeune Martinguerre donne au folk français une teinte nouvelle, à la fois scandinave et éclairée. Qu’on ne s’y trompe pas, derrière cette voix sage se cache des compositions d’une violence sourde ainsi que des accords hauts en couleurs qui pourraient en surprendre plus d’un. À écouter sur platine vinyle qui crépite au coin du feu, ou sur un baladeur CD, dans une cabane de chasseurs par grand froid.

Informations

Label : HRCLS Records
Date de sortie : 11/03/2016
Site web : lnk.to/martinguerre-mountjoie

Notre sélection

  • New Hope
  • Winter Housing
  • From The Shadows

Note RUL

4/5

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