Chroniques

Loma Prieta – Self Portrait

Attention chef d’oeuvre. Loma Prieta, valeur sure d’emo violence d’abord, puis d’un screamo aux relents hardcore que Kurt Balou avait bien trop amadoué sur le dernier album en date du groupe de San Francisco, “I.V.”. Mais voilà, après avoir écumé les scènes du monde entier, sorti quatre disques en quatre ans et ramené Raein à la vie via un split, le groupe a pris son temps pour accoucher de “Self Portrait”, brillant cinquième opus. Oui brillant.

Et quitte à surprendre son monde, autant le faire dès la première piste, l’incroyable “Love”. Bien que premier single désigné par la formation, les Californiens réussissent le pari du contre pied en moins de trois minutes. Contrastant avec l’urgence des paroles, la chanson prend le temps d’amener l’auditeur vers le déluge de décibels et d’émotions que la fin de cette chanson provoque. On reconnait la patte parfois déstructurée de Prieta, mais quelque chose a changé. L’entrée en matière est sombre, mais on ne peut pas dire qu’elle soit désespérée pour autant. Il nous faudra aller au bout de cet essai pour saisir l’ensemble des nuances de la musique de Loma Prieta.

A la première écoute, il est évident que si le combo garde ce sentiment d’urgence prédominant depuis le début de sa carrière, l’essence même des compositions diffère des précédents efforts. Quand “Life/Less” brisait son auditeur sous une avalanche de sons en tous genres, on se trouve ici face à un mur composé d’autres matériaux. Le mur sonore est présent, mais il est bien plus travaillé et à la fois bien plus bruitiste. Le groupe n’évolue plus dans un screamo basique. Si les racines sont là, les influences noise se font clairement ressentir. “Net Gain” pourrait rapprocher le trio du travail d’un groupe comme les frenchies de Death Engine alors que “Merciless” et ses accords dissonants rappellent que Loma Prieta a parfaitement digéré ses influences math.

Le premier changement est donc musical. Mais pourtant, ce n’est pas la seule explication. Si l’on ne se concentre pas sur les instruments ni l’emploi de la voix si caractéristique de Kanagaki, on ressent une couleur que l’on ne trouvait pas dans la musique du groupe jusqu’à aujourd’hui. Une émotion, un ressenti, un message : l’espoir. Car oui, la musique de Loma Prieta se veut plus positive, plus optimiste. Ainsi, “Nostalgia” est un hymne l’arrière gout aigre-doux. D’abord doucereux, puis violent, le morceau s’étend presque sur cinq minutes et nous transporte dans les méandres des émotions humaines. Même les titres les plus intenses et les plus violents sont habillés de cette parure dorée que celle de l’espoir et de la lumière. La raison vient peut-être de la production de Jack Shirley, responsable du dernier chef d’oeuvre Deathwish en date, “Sunbather” de Deafheaven. La comparaison n’est pas malvenue d’ailleurs tant le parallèle entre les racines sombres d’un groupe et l’expression lumineuse de la douleur semble se rejoindre sur ce “Self Portrait”.

Et que serait un grand album sans sa formidable conclusion ? Voguant sur les territoires progressifs mais délicieusement doux et amer, “Satellite” nous offre un dernier tour de montagnes russes émotionnelles pour accoucher d’un sunset plus sublime que celui sur lequel vous rêvez de disparaître. On s’envole petit à petit vers les cieux pendant que Kanagaki hurle son élévation. A peine le temps de faire couler les dernières larmes qu’un bruit assourdissant vient faire disparaître les dernières notes de la chanson dans un brouhaha mystique.

Dans une scène qui arrive au bout d’un cycle, Loma Prieta pose, avec “Self Portrait”, les fondations de la prochaine mutation du hardcore. Aussi violent et direct qu’un uppercut, on sort heureux de cet opus pourtant bien sombre. Comme quoi, parfois l’espoir se trouve uniquement en nous.

Informations

Label : Deathwish Inc.
Date de sortie : 02/10/2015
Site web : lomablog.tumblr.com

Notre sélection

  • Satellite
  • Love
  • More Perfect

Note RUL

4.5/5

Ecouter l’album

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN