Chroniques

Linkin Park – One More Light

Chester Bennington le clame haut et fort, arrêtez de le bassiner avec “Hybrid Theory”, il est temps de passer à autre chose. Effectivement, pour écouter “One More Light”, il vaut mieux ne pas trop penser à l’époque où Linkin Park se classait encore dans la catégorie metal. Car de son côté, le groupe californien est clairement passé à autre chose.

Avec son septième album, Linkin Park délaisse complètement ses racines neo metal et ses influences rock pour se donner corps et âme dans l’électro pop. Après un bref retour aux sources trois ans plus tôt avec l’énervé “The Hunting Party“, le sextette fait du rétropédalage et retourne aux expérimentations électroniques amorcées dès 2010.

Mais quand “Living Things” (2012) et “A Thousand Suns” (2010) se démarquaient par leur originalité, leur efficacité et leur qualité indéniable, “One More Light” déçoit par sa fadeur et son manque d’audace.

Marqué par une période particulièrement sombre – perte de proches, dépression – et riche d’histoires à partager, la formation a bousculé sa façon de travailler pour s’attaquer d’abord aux paroles, avant d’écrire la musique. Le problème, c’est que la seconde partie du travail semble avoir été bâclée, au point que plusieurs morceaux aient l’air de démos.

Optant pour un contraste entre la profondeur des paroles et la légèreté des mélodies, les Américains cherchent à éviter de tomber dans une noirceur pesante, mais s’empêchent surtout d’atteindre une quelconque intensité. Chester Bennington a beau se livrer sur ses problèmes d’addiction et de dépression sur “Nobody Can Save Me” et “Halfway Right”, les synthés noient son honnêteté dans une pop sans saveur.

La formule fonctionne plutôt bien sur l’entêtant “Battle Symphony” qui, avec sa mélodie lumineuse, apporte une touche d’espoir. Seul l’intensité de “One More Light”, plus épuré, n’est pas diluée dans des sonorités aseptisées. L’émouvante piste éponyme, presque uniquement incarnée par la voix impeccable de Chester et la guitare tout en retenue de Brad Delson, offre un instant en suspens sur l’album.

Lors du dernier showcase promotionnel parisien, Chester et Mike avaient plaisanté sur le peu de missions accordées au guitariste sur “One More Light” et malheureusement, la blague n’en était pas vraiment une. Loin des riffs saturés de “Meteora” (2003), les guitares sont camouflées par des pédales. “Talking To Myself” est la seule piste qui offre un riff reconnaissable.

Caution rock de l’ensemble, le morceau échoue à surprendre tant sa structure est prévisible et son refrain répétitif. Même constat pour les très électro “Invisible” et “Sorry For Now”, sur lesquelles Mike Shinoda chante pour ses enfants. Sa voix réconfortante ne parvient pas à donner un intérêt aux morceaux, franchement dispensables.

LP emprunte à la pop son côté générique sans lui prendre son efficacité. Les morceaux se suivent et se ressemblent et, s’ils ont le mérite de vite rentrer en tête, ils en ressortent aussitôt. Le single “Heavy” est le seul à remplir réellement son rôle de titre radio friendly vite appris par coeur. Autre réussite pop de l’opus, la déroutante piste de fermeture “Sharp Edges”, voit la bande s’essayer à la pop acoustique, en prenant des airs de OneRepublic qui lui va étonnamment bien.

Les plus nostalgiques pourront se consoler sur “Good Goodbye”, plus proche de la recette rock/hip hop qui a façonné Linkin Park. Majoritairement porté par les interventions de Pusha T et de Stormzy, le morceau permet aussi à Mike de retourner au rap pour un couplet rappelant de bons souvenirs.

Pendant ses dix-sept ans de carrière, le groupe s’est illustré par sa capacité à se renouveler et à marier des styles aux antipodes pour se créer un son unique et innovant. Mais sur “One More Light”, Linkin Park perd son identité et s’enlise dans une pop plate et lisse ultra-générique.

Il n’est pas question de reprocher à Linkin Park de faire du mainstream, mais plutôt d’avoir fait un disque clinique et figé dans le temps qui, malgré des paroles travaillées et sincères et des bases intéressantes, s’oublie aussi vite qu’il s’écoute.

Reste à voir ce que “One More Light” va donner sur scène, mais pour l’instant, on a du mal à imaginer ces morceaux joués au Hellfest entre deux sets de Prophets Of Rage et de Slayer.

Informations

Label : Warner Music
Date de sortie : 19/05/2017
Site web : linkinpark.com

Notre sélection

  • One More Light
  • Battle Symphony
  • Sharp Edges

Note RUL

2/5

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