Chroniques

Le A – Pale Echo

Le A fait partie de ces (trop) rares formations françaises à s’inscrire dans le mouvement du revival shoegaze, un style que nos voisins anglais ont popularisé à la fin des années 80 et qui consistait à durcir le rock tout en le rendant plus aérien grâce à une multitude d’effets. Point surprenant : le groupe bordelais est composé de trois filles et un garçon. Peut-on faire moins rock ? Peut-on faire plus rock.

Si musicalement, le quatuor n’invente rien, il restaure à merveille ce que ses mentors proposaient il y a quinze ans. En effet, ce deuxième EP intitulé “Pale Echo” contient une multitude d’arpèges cristallins qui côtoient des murs de distorsion. La voix, qui dans bien des formations shoegaze n’est appréhendée que comme un simple instrument supplémentaire, est ici très légère, toute en nuance : on dirait un fin nappage, sucré et mélodieux, qui se plaque en douceur sur les instruments. Le choix de l’anglais, judicieusement maîtrisée, sied à merveille à ces compositions d’inspiration british. Si vous en doutiez encore, le doute n’est plus permis : Le A est un groupe de shoegaze. Les riffs à la fois puissants et lourds, dont le delay résonnera comme un “Pale Echo” dans vos têtes, ne pourront que vous faire acquiescer. Seulement, être un combo shoegaze n’est pas un argument suffisant. Car là où la bande excelle, c’est dans les nuances sonores de chaque morceau : accalmie lors des couplets et véritable déluge sonore lors des refrains. Les influences musicales sont variées, puisqu’on passe du shoegaze à un post punk ténébreux qui ne renie pas Joy Division sur des titres comme “Say No Evil” dont l’ambiance nébuleuse, presque fantomatique, nous plonge doucement dans l’errance. Les Bordelais s’essaient également au synthé sur le très puissant “Sirius 1” dévoilant un visage plus maladif et torturé. Enfin, même la dream pop n’est pas épargnée sur la douce et mélancolique clôture “Everywhere” qui propose une ambiance tout en contraste : les arpèges les plus calmes côtoient les accords les plus lents et lourds de cet EP. Jusqu’ici, Le A fait ce qu’on lui demande et il le fait plutôt bien même s’il ne réinvente pas grand-chose en soi. Pourtant, sur le morceau central “Louise”, les Bordelais proposent quelque chose qu’on a rarement entendu : une piste chantée en français. On sait d’expérience que l’épreuve du texte en français est un exercice difficile, voire périlleux, auquel peu de groupes se sont risqués. Et pourtant, les shoegazeurs s’en sortent divinement bien, en adoptant un rythme beaucoup plus posé où les accords résonnent dans une sorte de nuage vaporeux. Entre complainte au coin du feu et spleen d’un dimanche hivernal, notre sens de l’imagination ne sait plus s’arrêter. La qualité du texte dans la langue de Molière, associée à une très belle performance vocale, fait de cette composition le moment fort de l’ensemble.

Faussement inoffensif, souvent élégant, de temps en temps “indie” et parfois dangereux dans les ambiances, Le A propose un EP aux couleurs variées qui saura convaincre les vieux fans de shoegaze tout en conquérant de nouveaux adeptes. “Pale Echo”, en plus d’être une jouissance en cinq manches, est une preuve supplémentaire qu’en France, il y a encore des formations qui, non seulement se soucient d’un certain héritage du rock, mais qui en plus en maîtrisent parfaitement les codes. Et à la française, s’il vous plaît.

Informations

Label :
Date de sortie : 20/05/2015
Site web : www.le-a-music.fr

Notre sélection

  • Louise
  • Say No Evil
  • Everywhere

Note RUL

4/5