Chroniques

Lana Del Rey – Honeymoon

La carrière de Lana Del Rey est tout aussi énigmatique que la chanteuse en elle-même. Entre un buzz d’une violence inouïe en 2011, des prestations live alternant le sublime et le grotesque, le parcours de cette nouvelle icône de la musique (et du star system) attire toutes les convoitises et les fantasmes. Pourtant, lorsque sort “Honeymoon”, ce troisième album un peu plus d’un an après le second “Ultraviolence“, son nom est sur toute les lèvres pourtant perplexes face à la véritable identité artistique de Lana Del Rey.

Le monde est encore marqué par l’éclosion violente de Lana Del Rey à la fin de l’année 2011. La parution de son premier opus sous ce nom (deux albums sont sortis auparavant, sous un autre nom et ne sont plus disponibles à la vente à ce jour) “Born To Die” est encore dans tous les esprits tant la qualité de l’ensemble pour une artiste si mystérieuse est bluffante. Seulement, Lana Del Rey est un personnage complexe. Les avis à son égard divergent constamment. Génie pour certain, imposture pour d’autres, il faut dire que la belle brouille les pistes. Entre discours ahurissants de profondeur et de maturité en interview et caprices de diva, il est impossible de décrypter qui est vraiment la chanteuse américaine. Reste la musique et ce “Honeymoon” si intriguant.

“Ultraviolence” a été clairement composé et produit en réaction à “Born To Die”. Si le style de la chanteuse était toujours identifiable, le travail avec Dan Auerbach (The Black Keys) et la production bien plus sombre et plus sale de l’opus montrait une chanteuse qui voulait explorer d’autres horizons après l’immense succès rencontré par “Born To Die” et son avalanche de tubes. Seulement, “Ultraviolence” semble avoir été mis au monde dans la douleur. Il n’est ainsi pas surprenant d’apprendre que la chanteuse a débuté la composition de “Honeymoon” pendant la phase de mixage du précédent essai. Car à l’écoute de ce troisième effort, on retrouve l’ambiance retro quasi mystique que l’on pouvait trouver sur “Born To Die”, la complexité des chansons en plus.

Car “Honeymoon” n’est pas simple d’accès. L’album se caractérise par une lenteur et une torpeur quasi constante (excepté sur “High By The Beach”, single de fortune). La musique oscille désormais entre expérimentations d’ambiance et bande originale du film de sa vie qui n’a pas encore été tourné. La chanteuse n’a jamais été aussi introspective (“God Knows I Tried”, “Terrence Loves You”) sans pour autant être si sombre que ce à quoi on pouvait s’attendre. On baigne constamment dans une torpeur lumineuse qui s’apparente à un rêve laissant un goût amer dans la bouche lors du réveil. Bien que les chansons soient légères, l’ensemble est extrêmement dense. C’est sûrement lié au fait que les structures ne sont jamais clairement identifiables (“Salvatore”, “Art Deco”) et que l’Américaine insiste pour que les émotions se dévoilent petit à petit. Il faut mériter l’orgasme sonore que nous propose parfois Lana Del Rey sur ce disque (“The Blackest Day”, “24”). Un orgasme provoqué par de très lentes caresses auditives. Car après tout, plus c’est long, plus c’est bon.

Lana progresse dans sa créativité. Lorsque des chansons présentes sur “Born To Die” et “Ultraviolence” présentaient des similitudes parfois troublantes (les refrains de “Gods & Monsters” et de “West Coast”), aucun sentiment de déjà entendu n’est présent sur cet album. Cependant, il n’en reste pas parfait pour autant. La faute à ce fonctionnement en réaction. L’opus est cohérent, la démarche clairement établie, mais à trop vouloir se détacher de l’ancien soi, Lana Del Rey tombe parfois dans la caricature d’elle même (“High By The Beach”, “Music To Watch Boys To”). “Honeymoon” n’en reste pas moins un album riche et consistant, d’une artiste qu’il serait bon de ne simplement juger que sur sa musique.

Informations

Label : Universal Music / Polydor
Date de sortie : 18/09/2015
Site web : lanadelrey.com

Notre sélection

  • God Knows I Tried
  • The Blackest Day
  • Swan Song

Note RUL

3.5/5

Ecouter l’album

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN