ChroniquesSlideshow

IDLES – TANGK

Que se passe-t-il quand un groupe d’outsiders impose sa marque dans le paysage rock, au point d’entraîner dans son sillage toute une frange de jeunes loups (Fontaines D.C., The Murder Capital) ? Il peut réutiliser encore et encore les mêmes ficelles, au risque de devenir une caricature de lui-même. Il peut aussi transcender les frontières de son genre et chercher à créer la surprise. C’est exactement la thématique de ce cinquième album d’IDLES (fainéant en anglais), sur lequel les représentants de Bristol n’ont jamais si mal porté leur nom.

Run Boys Runs

Comme ils commencent à en avoir l’habitude, Joe Talbot et ses boys décident d’ouvrir ce TANGK dans la retenue, avec “IDEA 01”. Certains y verront la patte du compositeur de Radiohead, Nigel Godrich, ramené pour l’occasion. Il est vrai que le murmure en fin de chanson fait presque figure de clin d’œil à la bande de Thom Yorke. Si la formation a toujours aimé installer une ambiance relativement posée pour commencer ses disques (“Colossus”, “MTT 420 RR”), il faut reconnaître que la dimension atmosphérique a cette fois été poussée encore un cran plus loin. Au point qu’une autre influence des plus improbable plane sur cet album : celle de Woodkid.

L’ombre du Français semble habiter les couplets de “A Gospel” et de “Roy”. La première est une authentique ballade piano-voix, soutenue par un joli violon. La seconde convoque les guitares claquantes de Cage The Elephant, avant de profiter de son refrain pour basculer dans une folie d’abord déstabilisante, puis assez jubilatoire. Et ce n’est pas l’emphase teintée de démesure du refrain de “Jungle” qui atténuera cette comparaison.

Des tubes toujours au rendez-vous

Et l’énergie brute dans tout ça ? “Gift Horse” et ses onomatopées renouent avec cette façon si caractéristique d’asséner les mots sur des couplets au cordeau. Des années après ses débuts, il est frappant de constater que Talbot continue de captiver l’auditeur avec sa diction, avant de déchaîner un refrain d’une puissance folle. Ce morceau, dédié à sa fille, donnera lieu au mémorable “Fuck the King. Il n’y a pas de roi, c’est elle le roi” !

Et que dire de la collaboration avec LCD Soundsystem sur le single “Dancer” ? IDLES restant IDLES, ne vous attendez pas à un hymne aux dancefloors. Le violon d’ouverture laisse rapidement la vedette à la lourde basse et au phrasé saccadé de son chanteur (que celui qui ne succombera pas à la prononciation de “pirouette” nous jette la première bière). Classique instantané du groupe, on ne peut que saliver à l’idée d’entendre la version live propulser son refrain dans une puissance encore supérieure.

Du post-post punk ?

La formation a eu l’occasion de répéter à plusieurs reprises qu’elle déteste être cataloguée dans la case étriquée du post punk. “POP POP POP” démontre pourtant l’ambivalence de son positionnement. D’un côté, son lourd synthé parvient à instaurer une ambiance maussade faisant écho à du Fontaines D.C.. De l’autre, sa batterie et ses ajouts électroniques viennent rappeler les influences multiples du guitariste et architecte de leur son, Mark Bowen, DJ techno dans une précédente vie. Mais c’est surtout au chant que le groupe prend ses distances avec le genre. Joe Talbot affiche définitivement sa polyvalence, l’éloignant des rugissements linéaires au profit d’incursions dans des balades au premier degré (“Monolith”) ou d’envolées plus ou moins maîtrisées, mais toujours viscérales.

S’il fallait démontrer la nécessité de ce renouvellement, une oreille jetée sur quelques titres moins tranchés (“Gratitude”, “Grace”) validera le virage opéré. Les plus nostalgiques pourront se retrouver autour du résolument punk “Hall & Oates”. Sans doute le morceau se rapprochant le plus de leurs anciennes productions. Néanmoins, si la calme “Grace” tourne en rond, on vous recommande fortement de visualiser son clip. Ce dernier plagie celui du “Yellow” de Coldplay avec une autodérision assez hilarante, confirmant au passage que l’évolution entreprise est à la fois consciente et assumée.

Décidément, ce début d’année est placé sous le prisme des évolutions. À l’image de la mue entamée par Frank Carter And The Rattlesnakes, cette cinquième livraison se veut moins frénétique et plus nuancée que les précédentes. Défiant l’imaginaire collectif, IDLES a donc introduit son cinquième album par un piano arpégé, pour le clôturer par des notes de cuivres contemplatives. Il a surtout dessiné une voie aussi audacieuse que passionnante, qui sera très intéressante à suivre dans les années à venir.

Informations

Label : Partisan Records
Date de sortie : 16/02/2024
Site web : www.idlesband.com

Notre sélection

  • Gift Horse
  • Dancer
  • A Gospel

Note RUL

 3,5/5

Ecouter l’album

Ecrire un commentaire