Chroniques

Hozier – Hozier

Si vous n’avez toujours pas entendu parler d’Hozier à cette période de l’année, vous avez sans doute passé trop de temps dans l’ignorance. Sa première vidéo, “Take Me To Chuch” a passé la barre des 14 millions de vues sur YouTube, et constitue le dévoilement au monde d’un nouveau talent incontournable du blues, et de la soul. Pour son premier album éponyme, sorti le 19 septembre dernier, il aborde les étiquettes Island et Rubyworks, à l’image de cette œuvre à deux teintes, dont le fond est emprunt de l’éducation Irlandaise dont il est issu, et la forme chaudement habillée d’une voix sortie tout droit des années 1960-70, aux accents afro-américains. Afin de vous repêcher des tréfonds de votre candeur originelle, nous vous proposons de le découvrir dans cette promenade aux accents gospel de quoi gratifier vos oreilles et votre âme. Pour les autres, nous allons certainement prêcher des convaincus. Comme dit précédemment, le chanteur ne cache pas l’influence des traditions sur sa musique, bien au contraire. Si cette œuvre est autobiographique, le disque d’Hozier semble reprendre certains traits du roman de James Joyce, “A Portrait Of The Artist As A Young Man” (ndlr : portrait de l’artiste en jeune homme), racontant la lutte d’un garçon pour prendre conscience de lui-même, trouver son identité dans une société nationaliste et aliénée par la religion. Afin de mettre son mal à distance, Hozier fait de son album un dialogue fictif au vocabulaire religieux, tout en abordant des thèmes de Dieu, de la mort, ainsi que de la sexualité. Autrement dit, ce qui le touche dans l’intime.

De fait, c’est cette structure que va adopter cet ensemble : celle d’une mort et de la quête de salut. Hozier débute par une chute. Non pas celle du Jardin d’Eden, mais celle d’un homme qui tombe amoureux. La première piste qu’est “Take Me To Chuch” est un pied de nez aux institutions ecclésiales qui s’immiscent dans ce qu’il y a de plus intime chez l’Homme, en lui dictant son orientation sexuelle. Face à l’adversité, l’amour se présente comme une échappatoire, un moyen d’être sauvé. “The only heaven I’ll be sent to, is when I’m alone with you” (ndlr : “Le seul Paradis où je serai envoyé, est lorsque je suis seul avec toi”). Mais cette perspective est contrebalancée par “Angel Of Small Death And Codeine”. La femme se présente ici comme l’inverse d’un sauveur. Dans une métaphore de l’orgasme, également appelé “petite mort”, le chanteur dessine peu à peu la pente glissante de l’amour qui a cela de mortifiant qu’il conduit l’Homme à se damner, jusqu’à commettre le pêché d’orgueil ultime, symbolisé par la chanson Eden, se trouvant au milieu de l’essai. Pour l’amour d’une femme, il se bannit du paradis afin de la rejoindre. Suite à cela, il devient conscient de sa faute, et peut avancer sur la voie de la rédemption. Le ton adopté devient plus grave, jouant davantage la corde du blues. Ce ne sont plus les chansons contant la passion d’un homme épris et illusionné, mais celles d’un être conscient de lui-même, conscient des conséquences de ses actes et paroles. La mort n’est plus une perspective imaginaire liée à un état amoureux, mais quelque chose de bel et bien concret, une échéance. Lorsque le monde est dit avoir été créé en une semaine, “In A Week” parle de son opposé, à savoir deux corps qui se dégradent, de ce qui les corrompt, à l’image de “Sedated”. Cependant, la lumière semble exister au bout du tunnel, et l’espérance de salut apparaît comme une évidence, lorsqu’il prononce les mots “no grave can hold my body down” (ndlr : “aucune tombe ne peux contenir mon corps”). L’atmosphère devient plus légère, pareille à une âme libérée des poids qui la contenaient dans sa matérialité, loin de ses chaînes. Enfin, après autant de chansons que d’apôtres, l’album se conclue sur un live, “Cherry Wine”, le vin de l’alliance, comme le Christ sauveur, prenant la forme de la personne aimée, son “Dieu étranger” (“Foreigner’s God”). L’amour est définitivement ce qui sauve, seulement il est désormais conscient, et accompagné sur ce chemin de croix, à travers les blessures, la confrontation à la mort, qu’elle soit métaphorique ou réelle, Hozier termine sur une note toujours plus proche du salut qu’il ne l’était au départ. Lorsque l’adversité était présente au début, elle est intégrée à la fin de l’opus, sublimée par l’art, par la musique qui accorde les contraires. Hozier nous exhorte à connaître nos chaînes pour les accepter et ainsi nous en libérer, sans jamais nous sermonner, mais en nous montrant toute la fragilité d’une vie humaine, dans sa mortalité, et son besoin d’être sauvé, d’être aimé.

Si chacun ne peut nécessairement traverser le désert seul, ce jeune talent propose ici un moyen détourné d’aider ses auditeurs dans leur quête, comme James Joyce a pu l’aider lui même. Et comme tous les chemins mènent à Rome, nous pouvons dire que chaque chanson porte sa croix de salut, pour le meilleur, comme pour le pire. Venant d’un pays dont la religion est majoritairement catholique, il fallait Hozier ! Pari réussi ? Nous vous laissons juger par vous-mêmes, mais il semblerait que la messe soit dite.

Informations

Label : Universal Music / Maison Barclay
Date de sortie : 19/09/2014
Site web : hozier.com

Notre sélection

  • Foreigner’s God
  • Sedated
  • From Eden

Note RUL

4.5/5

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