Vingt-cinq ans de lutte sonore et toujours cette conviction brûlante : Heaven Shall Burn refuse la complaisance. Avec Heimat, le collectif allemand signe une nouvelle charge où la mémoire historique devient un acte de résistance, un socle pour interroger la notion même de “chez soi“.
L’histoire comme arme
Plus qu’un simple concept, Heimat déroule un fil rouge ancré dans la grande Histoire. Plutôt que de s’éparpiller sur des slogans creux, Maik Weichert et ses compagnons préfèrent la profondeur. “Ten Days In May” ressuscite la capitulation allemande de 1945 à travers les yeux de civils pris dans le fracas final. “Dora” évoque l’enfer du camp de concentration de Mittelbau-Dora, symbole du cynisme industriel nazi.
Ces récits documentés, parfois ignorés du grand public, servent de boussole : analyser le passé pour mieux décrypter le présent. Weichert, historien de formation, le rappelle : l’humanité ne tire jamais de leçons définitives. Chaque cycle ressuscite ses vieux démons.
Mais Heimat ne se réduit pas à un cours d’histoire setlist en main. La démarche reste profondément viscérale. “Keinen Schritt Zurück”, seule incursion en allemand, résume cet écartèlement : déclaration d’amour douloureuse à une patrie qui blesse autant qu’elle nourrit. Dans ce morceau punk, Weichert dialogue avec son pays comme avec une amante infidèle : complexe, parfois toxique, mais impossible à renier.
Impossible aussi d’ignorer le clin d’œil aux racines est-allemandes du guitariste. L’évocation du soulèvement de Gwangju, en Corée du Sud, fait écho aux divisions de l’ex-RDA : deux peuples, une ligne de fracture, et toujours cette soif de liberté réprimée dans le sang. En filigrane, Heimat révèle donc bien plus qu’un simple engagement anti-fasciste : une quête intime pour redéfinir ce mot piégé par les extrêmes.
Une colonne vertébrale instrumentale
La puissance de Heimat ne tient pas qu’à ses uppercuts vocaux. L’album déploie aussi une dramaturgie maîtrisée, bâtie sur trois pièces instrumentales : “Ad Arma”, “Imminence” et “Inter Arma”. Leur rôle ? Offrir des respirations tout en consolidant la narration. Les cordes, arrangées avec un soin presque cinématographique, reprennent des thèmes disséminés sur d’autres titres, fermant la boucle avec une élégance inattendue pour un disque aussi brutal.
Aucune révolution esthétique ici, Heaven Shall Burn ne cède jamais aux sirènes du renouveau forcé. Les breakdowns pilonnent toujours, les chœurs scandés portent des messages clairs, et Marcus Bischoff crache ses convictions avec la même ardeur qu’à ses débuts. L’ajout subtil de touches orchestrales et de samples donne pourtant à l’ensemble une ampleur nouvelle. Dans “My Revocation Of Compliance”, la sentence tombe, plus aucune complaisance pour l’ignorance. La formule pourrait servir de manifeste pour tout l’album. Chaque riff, chaque blast résonne comme un coup de semonce : l’engagement ne se marchande pas.
La musique comme dernier refuge
Malgré la dureté des thèmes, Heimat conserve une énergie fédératrice. “Empowerment” porte bien son nom, transformant la colère en moteur, la frustration en espoir d’action. Heaven Shall Burn n’a jamais cherché à caresser les foules : la mission reste la même depuis vingt-cinq ans. Faire du metal une arme, mais aussi un refuge pour celles et ceux qui refusent de détourner le regard.
Avec Heimat, Heaven Shall Burn délivre un disque sans fioritures ni illusions. Plus qu’un exutoire, ces quinze morceaux invitent chacun à fouiller sa propre définition de la patrie et de l’héritage. Un rappel salutaire qu’aucun territoire, réel ou symbolique, ne mérite d’être abandonné aux dogmes nauséabonds. À l’heure où la mémoire s’érode, le groupe martèle qu’un blast bien placé peut encore servir de boussole morale.
Informations
Label : Nuclear Blast
Date de sortie : 27/06/2025
Site web : www.heavenshallburn.com
Notre sélection
- Keinen Schritt Zurück
- My Revocation Of Compliance
- Ten Days In May
Note RUL
3,5/5