Sorti il y a 25 ans, Warning reste l’album le plus discret et probablement le moins aimé de Green Day… et pourtant, c’est le plus audacieux. Après le succès colossal de Nimrod (1997) et son tube planétaire “Good Riddance (Time Of Your Life)” (lui aussi en décalage avec Insomniac (1995) ou Dookie (1994), préfigurant la direction artistique de Warning justement), Green Day décide de s’offrir une liberté totale : autoproduction, textures acoustiques, tempos mid-range et une assurance mélodique qui tranche avec l’urgence punk des débuts. Ce choix, incompris à l’époque, apparaît aujourd’hui comme une étape décisive dans leur évolution musicale. Étudions donc l’album 25 ans plus tard avant de se pencher les ajouts de l’édition deluxe.
Un virage créatif assumé mais mal compris
Warning troque la distorsion pour l’acoustique, la frustration punk pour la prise de position politique. Dès le morceau titre, la ligne de basse lancinante de Mike Dirnt et le rythme saccadé posent le décor : un message d’intérêt public désabusé, un fatalisme ironique qui traduit le réalisme angoissé qui infuse tout l’album.
Ce virage se confirme avec “Blood, Sex And Booze ” où Green Day aborde des thèmes plus matures (comme le sado-masochisme), et “Fashion Victim”, qui conserve le groove installé par Nimrod tout en affinant la critique sociale, ce que le groupe avait peu fait jusqu’à ce disque. “Church On Sunday” est une pépite mélodique au rythme enlevé et ultra pop, tandis que “Castaway” apporte une légèreté irrésistible.
La force de Warning, c’est son équilibre entre audace et accessibilité. “Misery” en est l’exemple parfait : un récit théâtral porté par des cuivres et un accordéon, complètement à contre courant de ce que Green Day avait pu nous proposer jusqu’à maintenant (le morceau le plus proche pouvant être “Hitchin’ A Ride” sur Nimrod). Ce morceau étrange annonce déjà la dimension narrative d’American Idiot (2004) et de 21st Century Breakdown (2009). “Hold On” et “Jackass” flirtent avec le folk et l’americana, apportant une nouvelle couleur à l’ensemble.
Entre volonté d’expérimentation et mélodie
Et puis il y a les hymnes punks et fédérateurs : “Minority”, choisi comme premier single, ancre politiquement l’album et le groupe, ce qui était peu mis en avant jusqu’à cet opus. “Waiting”, avec sa progression d’accords mélodieuse, reste l’un des titres ayant le mieux vieilli et l’un des meilleurs de l’album. Avec ici encore les thèmes du départ et de l’adieu, on sent un groupe doux amer qui donne l’impression de refermer un chapitre musical. “Macy’s Day Parade” clôt justement le disque avec une ballade acoustique qui rappelle “Good Riddance”, mais avec une gravité nouvelle et plus profonde.
Autoproduit par le groupe, Warning sonne volontairement plus organique. Les guitares sont moins saturées, la voix de Billie Joe garde ses aspérités et ses fragilités (qui seront vite effacées sur American Idiot), et la batterie de Tré Cool apporte une énergie plus subtile, plutôt qu’une agression frontale. Ce n’était clairement pas un disque calibré pour les charts, mais une prise de risque qui conserve une belle longévité 25 ans plus tard.
Et l’édition 25th Anniversary alors ?
Pour célébrer ses 25 ans, Green Day sort Warning (25th Anniversary Deluxe Edition), une réédition contenant l’album remasterisé, des démos inédites, des mix alternatifs et le concert live à Tokyo 2001 en bonus.
Effectivement les morceaux remastérisés sont un plaisir pour l’oreille : la production gagne en chaleur, les morceaux en profondeur, et les voix sont particulièrement bien mises en valeur. Les demos sont également très intéressantes, plutôt pour les fans, pour comprendre le processus créatif du groupe et les ajouts d’instruments (par exemple sur “Misery” et son texte complètement inintelligible). Par contre il n’y a réellement qu’un seul titre inédit: “Outsider” est présent sur l’album Shenanigans (2002), tout comme “Scumbag” et “Suffocate”. Quant à “Maria” et “Poprocks & Coke”, ils sont tous les deux sur International Superhits (2001). C’est “Don’t Want To Know If You Are Lonely”, reprise du groupe Hüsker Dü qui est finalement la pépite de cet disque. Hüsker Dü est d’ailleurs une grande source d’influence pour Green Day, c’est donc peu surprenant que le groupe ait repris un de leur titres.
Les titres regroupés sous le nom Live At Makuhari Messe, Tokyo, Japan, March 18 2001 sont l’occasion de découvrir des morceaux pour certains plus du tout interprétés désormais, en captation live. Une belle opportunité pour les fans les moins avertis de pouvoir découvrir des chansons oubliées. Pour les fans les plus récents, jetez vous sur “Knowledge” ou “Blood, Sex And Booze” pour découvrir le Green Day des débuts et de Warning, et pour les autres profitez du plaisir d’entendre “Playtipus (I Hate You)”, très peu jouée en live sur toute la carrière du groupe.
À sa sortie, Warning a dérouté les puristes du groupe : moins immédiat, plus réfléchi, il s’éloignait du punk pour explorer des textures acoustiques et des mélodies americana et folk. Avec le recul d’aujourd’hui, ce choix apparaît comme visionnaire et tout à fait cohérent : en effet, les membres du groupe avaient évolué, eu des enfants, se sont débattus avec des addictions diverses. Ce disque marque le moment où Green Day a compris qu’il pouvait grandir sans renier son identité, le tout avec un goût doux-amer et beaucoup de mélancolie.
Et aujourd’hui, avec Warning (25th Anniversary Deluxe Edition), le groupe nous invite à redécouvrir cette audace dans toute sa richesse musicale. Ce coffret n’est pas qu’un objet collector, c’est une occasion unique de revisiter un album qui a façonné la maturité de Green Day. Gardons en tête que sans Warning, il n’y aurait pas d’American Idiot.
Informations
Label : Warner Music
Date de sortie : 14/11/2025
Site web : greenday.com
Notre sélection
- Waiting – 2025 Remaster
- Hitchin’ A Ride – Live at Makuhari Messe, Tokyo, Japan, March 18, 2001
- Church On Sunday – Demo
Note RUL
4/5







