Chroniques

Flamingods – Majesty

Personne ne dira le contraire, le petit royaume de Bahreïn est plus réputé pour ses exportations pétrolières que pour ses formations musicales. C’est pourtant là-bas que l’intéressant projet Flamingods a vu le jour en 2009, quand quatre jeunes garçons liés par l’amitié décident de se livrer à des expériences sonores de toute sorte. Rejoint par un cinquième membre, le groupe se forme véritablement l’année suivante durant l’ATP Festival au cours d’une improvisation géante de huit heures. Depuis, entre le Bahreïn et l’Angleterre, les cinq créent une musique marquée par les cultures des cinq continents, rendant leurs compositions à la fois exotiques et électroniques, psychédéliques et expérimentales. Le quintette est de retour cette année avec un troisième album qui confirme son potentiel.

Le disque est construit autour d’un concept : l’éveil spirituel du personnage Yuka au sein d’une jungle, dont on suit la quête au cours de ces quarante minutes. On nage en plein délire, mais l’idée de voyage initiatique est musicalement bien réalisée. La première partie, soit les cinq premiers morceaux, figure le matin et plonge l’auditeur dans une ambiance onirique et lumineuse. La suite illustre le soir et se veut plus exaltante, comme le fait entendre la puissante “Gojira” et ses percussions frénétiques. Ces deux parties spécifiques n’empêchent pas que chaque composition dégage une atmosphère particulière : aquatique pour l’éponyme “Majesty”, épique dans “Yuka”, solaire chez “Taboo Groves”, jusqu’à l’ultime “Mountain Man”, sorte d’escalade festive qui fait entendre la joie que le protagoniste a ressenti en donnant un sens à sa quête, tandis qu’on quitte cet étrange univers sonore en ayant l’agréable impression d’avoir fait le tour du monde.

Car si le voyage est réussi, c’est d’abord grâce à ce foisonnement instrumental caractéristique de la musique des Bahreïniens qui ne fait pas défaut sur ce troisième opus. Le mélange d’instruments de musique de tous les horizons est le résultat d’une passion partagée par tous les membres de Flamingods, qui en ont réuni toute une collection durant leurs voyages en Amazonie, au Japon, et dans un bon nombre de pays d’Afrique. On retrouve donc des instruments conventionnels comme des violons, guitares, xylophone, saxophone, avec une bonne touche de sons électroniques variés, mais plus encore tout un panel de percussions, flûtes et autres instruments à cordes pas forcément tous identifiables.

Malgré le fait que les parties instrumentales soient nettement mises en avant, la formation donne aussi de la voix, à tel point que les lignes de chant dans “Sarangi” font sonner le morceau comme du Animal Collective version tribale. L’apport de parties vocales est une nouveauté dans la courte carrière du groupe, qui mériterait d’être exploitée par la suite. Les couches plus ou moins multiples des voix permettent en effet de nourrir certains morceaux qui risquent par moments de se révéler trop répétitifs.

De ces dix titres, il ressort une musique inclassable qui traverse tous les continents avec une cohérence étonnante. Loin d’être un obscur mélange de tout et n’importe quoi, le disque reste accessible et s’écoute comme on découvrirait un pays inconnu. Dépaysement garanti.

Informations

Label : Soundway Records / Kartel Distribution
Date de sortie : 03/06/2016
Site web : flamingods.bandcamp.com

Notre sélection

  • Taboo Groves
  • Majesty
  • Sarangi

Note RUL

3.5/5

Gabrielle de Saint Leger
Indie rock, folk, shoegaze, post tout, etc. -> https://www.last.fm/fr/user/stealthisystem