Equilibrium – Equinox

Equilibrium signe enfin son grand retour avec Equinox. Six ans après leur dernier album et un line up entièrement réorganisé, les Allemands reviennent transformés, armés d’un metalcore imprégné de leurs racines folk. Ce nouveau disque marque également les débuts en studio du frontman Fabian Getto, intégré en 2023. Avec ce concept-album massif et soigné dans ses moindres détails, Equilibrium affiche une ambition claire.

Voyage initiatique entre ombre et lumière

Equinox n’a rien d’un titre choisi au hasard. L’équinoxe, ce moment où jour et nuit s’équilibrent parfaitement, incarne la quête d’harmonie qu’Equilibrium poursuit depuis ses débuts. Le groupe décline cette dualité lumière/obscurité dans une ambiance à la fois folk, ésotérique et résolument contemporaine. Derrière le clair-obscur, qui pourrait évoquer un simple jeu manichéen, se cache un propos bien plus vaste : interroger notre place dans l’univers. 

La cover annonce clairement la couleur. Portée par une palette chaude, elle dévoile un soleil stylisé entouré de trois lunes, flottant dans un ciel de nuages ocres. Une imagerie plus onirique qu’à l’accoutumée, qui marque un tournant visuel pour Equilibrium, longtemps associé à des artworks denses aux accents industriels. Ici, tout converge vers l’essence même de Equinox : un retour à la symbolique, à l’équilibre et à la dimension cosmique du projet.

Le caractère cinématique d’Equinox s’exprime aussi à travers une série de clips au storytelling affirmé. Celui de “Bloodwood” met en avant une créature mi-homme mi-arbre, fusion totale avec la forêt qui l’entoure. Au fil du clip, elle se transforme lentement en humain, une métamorphose qui illustre la connexion essentielle entre l’humanité et le monde naturel. Un choix visuel fort, qui donne corps aux thèmes de l’ensemble et renforce sa portée symbolique.

Dans le même esprit, le clip de “Borrowed Water” (qui accueille la chanteuse witchy pop Roniit) s’appuie sur des paysages naturels grandioses et une esthétique résolument païenne. Roniit y incarne une figure quasi mythologique de Mère Nature, renforçant une nouvelle fois le lien organique que l’album établit entre l’humain et son environnement. Sa voix éthérée se fond parfaitement dans l’atmosphère du morceau et accentue la dimension folk qui traverse tout Equinox.

Enfin, cette idée d’interconnexion s’incarne plus directement dans “Nexus”, dont le titre renvoie à une liaison essentielle entre plusieurs forces. Le morceau met en scène la confrontation symbolique entre lumière et obscurité, tandis que la vidéo insiste sur un point clé : l’un ne peut exister sans l’autre. Les deux entités, loin d’être opposées, s’avèrent complémentaires et indispensables, prolongeant ainsi le cœur conceptuel d’Equinox.

Où la tradition rencontre la modernité

Mais le cœur de ce concept-album réside surtout dans sa narration, portée autant par les paroles que par la composition. Comme évoqué précédemment, Equinox s’apparente à un voyage introspectif, mais aussi à une plongée vers des temps anciens où notre rapport au monde différait profondément de celui d’aujourd’hui. Cette dimension archaïque et païenne s’incarne notamment dans les interludes instrumentaux “Archivist” et “Rituals Of Sun And Moon”, qui évoquent des atmosphères ésotériques et occultes.

Les thématiques évoquées plus tôt s’expriment naturellement dans la musique elle-même. Le versant païen du disque apparaît dès le morceau d’ouverture, “Earth Tongue”, où Fabian Getto entame une incantation répétitive qui plonge immédiatement l’auditeur dans une forme de transe, comme une porte d’entrée vers le voyage proposé. Après ce mantra envoûtant, des chœurs puissants et fédérateurs prennent le relais pour porter un refrain mémorable.

Pour immerger pleinement l’auditeur dans cet univers singulier, le groupe enrichit sa palette sonore de chants de gorge et d’instruments folkloriques tels que la flûte ou le violon qui renforcent l’ancrage folk et mythologique de l’album. 

Pour autant, Equinox ne se réduit pas à un simple album de folk metal. Depuis quelques années, Equilibrium a exploré des horizons plus metalcore, intégrant des breaks puissants à la batterie ainsi que des lignes de chant growl et scream caractéristiques du genre. L’ensemble réussit à conjuguer ces influences avec son côté folk, produisant un son original et cohérent. Certains morceaux ajoutent même des touches de musique électronique, illustrant la capacité du groupe à naviguer entre tradition et modernité avec maîtrise. 

En somme, Equinox est un album de contrastes : clair-obscur, lune et soleil, brutalité et mélodie, archaïsme et modernité, le tout orchestré avec une précision remarquable. Equilibrium ne porte pas ce nom par hasard. Musicalement, le disque suit une formule déjà éprouvée : le style du groupe est reconnaissable, bien exécuté, mais manque parfois d’audace et d’innovation. Chaque morceau fonctionne comme une pièce d’un puzzle, formant un ensemble cohérent et immersif. Mention spéciale aux clips, magnifiques, qui prolongent visuellement et narrativement l’univers de l’album.