Chroniques

Eels – The Deconstruction

Un album de Eels est du ressort de l’évènement musical. Bien que ses derniers efforts en studio demeurent plutôt discrets et d’une qualité de composition en dents de scie, le chef d’orchestre derrière les monstres sacrés que sont “Beautiful Freak” (1996) et “Daisies Of The Galaxy” (2000) ne demeure pas en reste. Mark Oliver Everett, et sa clique sélectionnée avec grand soin, reviennent en grande pompe avec “The Deconstruction”.

Le titre du disque intrigue tout autant que la pochette et ses intentions. Everett désire peut-être mettre le feu aux poudres pour la première fois depuis “Wonderful, Glorious” (2013) où ce fut la dernière fois que Eels nous désarçonnait par le biais de riffs musclés et de mélodies au punch irrésistible. Au delà de leurs qualités, les ballades omniprésentes finissent par avoir raison de notre engouement. La piste éponyme ouvre l’ensemble avec une ambiance portée par les arrangements à cordes et les motifs inversés. “The Deconstruction has begun, it’s time for me to fall apart”. Everett décrit son art et sa personnalité dans cette atmosphère brumeuse dont seule la ligne de basse est claire.

“Bone Dry” est un moment de fulgurance possédant une identité sonore encore plus sombre, pourtant contrastée par les onomatopées du chanteur. Chaque chanson et interlude ne sont pas aussi simples, de “Rusty Pipes” où l’on peut entendre sauter un sample tiré d’un célèbre dessin animé Disney à “You Are The Shining Light” et ses changements de tonalités électrisants. Les enchaînements sont toutefois inhabiles, et ne font que faire ressortir la futilité de la plupart des moments de transition. Il existe un côté ludique à tout ceci, mais il est difficile de prendre part à un jeu où les règles font peu de sens, même avec une grande ouverture d’esprit.

La musique du groupe consiste à disséquer la nature humaine et sa multitude de sentiments complexes. Le nom de l’opus résume parfaitement l’état d’esprit d’une discographie éclectique qui ne cesse d’impressionner. Oui, certains efforts studio marquent une redondance à la limite de l’ennui. Cependant, il est possible d’aimer un artiste pour ses qualités et ses défauts. Celui de Mark Oliver Everett est d’apprécier la lente descente dans les affres de l’amertume. Avant de fonder Eels, ces deux essais reflètent très maladroitement cet amour pour les compositions classiques. Aujourd’hui, il est maîtrisé. Il suffit qu’il soit un peu moins omniprésent pour que tout le monde retombe d’accord. Mais peut-être que ce n’est pas l’intention au final.

Après douze albums, réduire Eels à ses coups d’éclats de la fin des années 90 serait passer à côté d’un artiste à la curieuse sensibilité. Tantôt épurée, tantôt excentrique, cette dernière nous donne l’occasion de nous émouvoir à différents niveaux. “The Deconstruction” possède cette qualité. Il suffit de lui laisser sa chance, comme celle qu’on a donné à un jeune homme ayant pourtant sorti deux disques qui laissait à penser qu’il ne ferait rien de grand. Les apparences sont trompeuses.

Informations

Label : PIAS
Date de sortie : 06/04/2018
Site web : eelstheband.com

Notre sélection

  • Rusty Pipes
  • You Are The Shining Light
  • There I Said It

Note RUL

3.5/5

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