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Ed Sheeran – – (Subtract)

Pour la première fois, je n’essaie pas de créer un album qui plaira aux gens. Je me contente de sortir quelque chose d’honnête et de fidèle à l’endroit où je me trouve dans ma vie d’adulte“. Venant de l’un des artistes les plus bankable de l’industrie musicale, cette promesse a de quoi intriguer. C’est pourtant le parti pris par Ed Sheeran, au moment de présenter son cinquième disque  (prononcez Subtract). Un mois après avoir mis l’Accor Arena à ses pieds, le jeune trentenaire saura-t-il achever en beauté sa saga “albums mathématiques” ?

Le calme pour conter la tempête

Pour pleinement comprendre cet album, il faut en connaitre la genèse. Son auteur a en effet dû faire face, coup sur coup, à la mort de son meilleur ami, une accusation de plagiat (remportée depuis) et une tumeur détectée chez sa femme enceinte. “En ce moment dans la salle d’attente, les émotions se déchaînent. Je m’inquiète pour mon amour et je m’inquiète pour notre enfant“, chante-t-il sur “Sycamore”. Dans ce contexte, difficile de reproduire des tubes pop visant à matraquer les ondes. Pourtant, quelques réminiscences de ses dernières livraisons subsistent. “Life Goes On” ressemble ainsi fortement à “Thinking Out Loud”. De même, “Eyes Closed”, dévoilé en amont, est finalement l’exception “radiophonique” d’un disque qui ne cessera par la suite de déployer son ambition.

Pour nous immerger, Ed a choisi de se tourner vers Aaron Dessner de The National aux manettes de la parenthèse indie folk de Taylor Swift sur Folklore et Evermore. Cette collaboration sublime le songwriting d’Ed Sheeran, remarquable par sa capacité à retranscrire des émotions universelles. La doublette “Vega” / “Sycamore” nous projette ainsi dans l’angoisse d’un verdict médical, qui résonnera chez tout un chacun. La façon de répéter “Elle ira bien, elle ira bien est criante de vérité, contrepoint du “Qu’est-ce qu’il va dire après”, je pense que vous feriez mieux de vous asseoir ?. Ces productions bénéficient pleinement des arrangements soyeux de Dessner, où de subtiles cordes viennent enrober des productions minimalistes.

L’ouverture de l’ensemble avait donné le ton avec l’épuré “Boat”, dont la guitare acoustique est sublimée par des cordes discrètes. Le piano est également très présent (et plaisant) sur ce cinquième album. Faisant souvent figure d’appui, il sait également tenir le haut de l’affiche, notamment sur “Borderline”. Ce morceau voit l’artiste aller très haut dans les aigus, pêchant parfois par sa justesse, mais certainement pas par son authenticité.

Entre douceur et résilience

Ce Subtract est ainsi parsemé de compositions vibrantes d’émotion, dont “Sycamore” et “Salt Water” sont les plus dignes représentants. Pourtant, en dépit des épreuves, ce recueil n’est pas uniquement orienté vers la tristesse. L’association Sheeran/Dessner parvient en effet à injecter de la féérie via la poétique “Colourblind”, théâtre de jeux de mots et de couleurs. Le duo n’a pas non plus abandonné l’idée de nous séduire dans l’énergie. Dans la foulée de cette ballade, guitare électrique et batterie emballent le rythme et les cœurs avec “Curtains”. Ce morceau arrive à point nommé au milieu du disque pour en incarner son passage le plus dynamique. Ed y cherche un marchepied contre la dépression, martelant son envie de “voir le soleil briller.

La fin du disque prend d’ailleurs des airs de “happy ending“, avec le piano-voix “No Strings”, transformant l’inquiétude en une déclaration à l’être aimé “Je n’ai jamais douté, car ce ne sont pas des chaînes. Tu es celle que j’aime“. Le dernier morceau “The Hills Of Aberfeldy” parait, lui, presque anachronique par son aspect insouciant. Logique, ce titre vibrant, aux accents celtiques (bien plus authentique que “Galway Girl”) a été écrit à ses débuts, il y a plus d’une décennie. Révélateur d’une volonté de retrouver l’innocence précédant ces épreuves ? La boucle est en tout cas bouclée de fort belle manière.

Less is more

Même après les multiples écoutes nécessaires pour tirer la quintessence de ce recueil, il s’avère très difficile d’en retirer une chanson phare, tant cet album en est riche. La chanson “End Of Youth” est en tout cas une belle synthèse et donne un aperçu de son timbre vibrant. Soulignée par des cordes décidément indispensables, avec un amour de second couplet tout en finesse (ce violon !), elle peut constituer une belle porte d’entrée dans cet univers.

Et pour ceux qui ne seraient pas rassasiés, la version deluxe prolonge le plaisir, avec quatre morceaux mêlant douceur (“Wildflowers”, “Stoned”), voix haut perchée (“Moving”) et morceau plus rythmé façon “Castle On The Hill” (“Toughest”). Un complément sympathique mais dont l’absence de la sélection initiale est cohérente.

Qu’il est agréable de voir un artiste talentueux délaisser la course aux tubes pour laisser ses émotions transcender son art. A bien des égards, ce Subtract décroche une place à part dans la discographie du Britannique. Ne cherchez pas les tubes mainstream susceptibles de battre des records de streaming. Moins immédiat, on peut d’ores et déjà parier que cet album deviendra une madeleine de Proust pour ses fans, à sortir les soirs d’hiver ou de déprime. Ed Sheeran, ou l’art d’émouvoir plus avec “.

Informations

Label : Warner Music
Date de sortie : 05/05/2023
Site web : www.edsheeran.com

Notre sélection

  • End Of Youth
  • Sycamore
  • The Hills Of Aberfeldy

Note RUL

 4/5

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