Chroniques

Deftones – Gore

Quatre longues années. C’est le temps durant lequel Deftones nous a laissé sans musique. En effet, le dernier méfait du combo, “Koi No Yokan“, datait de 2012. Extrêmement bien accueilli par les critiques, l’album avait été suivi par la tragédie du décès de Chi Cheng, survenu en avril 2013. Une autre tragédie, le 13 novembre dernier, avait également poussé le groupe à annuler ses trois dates au Bataclan. Mais venons-en à ce “Gore”. La pochette du disque interpelle, laisse dans l’incompréhension totale, l’illustration n’ayant aucun lien apparent avec le titre de l’opus, mis à part peut-être la couleur, et encore. Les noms des morceaux, assez surprenants et énigmatiques, interpellent également. Perçons le mystère sans plus attendre.

L’ensemble s’ouvre sur le premier single, “Prayers/Triangles”, révélé en février dernier. Le constat est sans appel : la chanson propose tout ce qu’on a toujours aimé chez Deftones, à savoir des riffs puissants, secondés par des mélodies inspirées et un Chino Moreno dont le spectre vocal oscille entre cris et voix plus voluptueuse. Sans réelle surprise, la chanson a tout d’un futur tube, la production massive et chirurgicale aidant. Mais ne vous méprenez pas, tout au long de cet essai, on sent un désir de renouvellement de la part des Américains, qui ici expérimentent (expérimentation revendiquée par le chanteur en interview), comme par exemple sur l’éponyme “Gore”, qui nous tiraille dans tous les sens et nous sert à chaque seconde ce que l’on attendait pas, ou son exact opposé. La lourdeur dans laquelle a été accouché ce nouvel effort studio se ressent sur des compositions plus lourdes comme l’enchaînement “Acid Hologram” / “Doomed User”. Cette huitième réalisation possède beaucoup de parties screamées et les variations vocales du frontman, aussi impressionnantes soient-elles, ne manquent pas de décontenancer notre âme fragile lors des premières écoutes de ce “Gore”.

Heureusement, Deftones n’a pas pour autant délaissé cette influence rock aérien qu’il a su accentuer à partir de “Diamond Eyes” (2010) et c’est là qu’on comprend que ce huitième album a peut-être pu faire office de catharsis pour la formation. En effet, un titre comme “Hearts/Wires” constitue l’une des plus belles accalmies de toute la discographie des musiciens, avec une guitare qui semble, de ses arpèges cristallins, déployer les premières lueurs de l’aube devant nous. La basse y danse son propre slow et Deftones n’a jamais paru aussi sincère et authentique avec sa musique. Le quintette relâche parfois la cadence et insuffle un peu de contraste dans son disque. Quelques surprises ici et là viennent également surprendre l’auditeur, comme le magnifique solo de guitare sur “Phantom Bride” signé Jerry Cantrell (Alice In Chains). Ce moment magique de l’ensemble relève d’une belle prise de risque et Deftones se renouvelle brillamment au travers de ces ambiances posées, mélancoliques et pourtant si émotionnellement puissantes.

Deftones propose ici un condensé de sa carrière : à savoir le retour des riffs ultra lourds, un brin de folie avec l’expérimentation, la préservation de son côté catchy qu’il n’a jamais réellement renié et son influence plus atmosphérique, développée sur ses dernières sorties. C’est donc un Deftones tout en relief qui s’offre à nous sur ce “Gore”, qui, s’il surprendra lors des premières écoutes, ne laissera pas la marque indélébile tant attendue, faute à certains morceaux qui passent trop inaperçus et viennent (qualitativement) contraster avec des moments plus forts de l’album. Ni réellement mauvais mais loin d’être incroyable, Deftones surpasse à peine ses obligations et livre juste onze “bonnes” nouvelles pistes. Mais ne boudons pas notre plaisir, car les Californiens défendront “Gore” le 10 juin à l’Hippodrome de Longchamp, dans le cadre du Download France 2016.

Informations

Label : Warner Music
Date de sortie : 08/04/2016
Site web : www.deftones.com

Notre sélection

  • Prayers/Triangles
  • Phantom Bride
  • Hearts/Wires

Note RUL

3.5/5

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