Chroniques

Dead Cross – Dead Cross

Quand Mike Patton décide de s’aventurer dans un paysage musical, un ange ne gagne pas ses ailes, mais le fruit d’une collaboration a les chances d’être fructueux. Pour le premier album éponyme de Dead Cross, le vocaliste au mille projets est appelé par son collaborateur Dave Lombardo à rejoindre un groupe prêt à en découdre.

Le quatuor démarre en fanfare avec l’unique single ayant tourné sur les internets donnant le ton pour les vingt-huit minutes à venir. Sur fond de rêve américain dynamité de nouveau par l’élection de Trump, chaque morceau est une occasion pour répandre une rage musicale qui ne saurait être boudée. La cohérence de cet ensemble punk hardcore teinté de metal est appuyée par l’imagerie et les paroles trash chères à Patton, dont il est l’auteur exclusif.

Miaulant “with your pussy on a trigger, the end is growing near” sur “Obedience School”, son éventail vocal nous prouve qu’il sait manier les bases du genre pour introduire ses influences tirées du cartoon et du septième art. Les chœurs caverneux du pont de “Seizure And Desist” ne sont pas sans rappeler les complaintes d’un western de Sergio Leone, ici reconverties en mélodie de train fantôme. La reprise de Bauhaus, “Bela Lugosi’s Dead”, lui permet de pousser la chansonnette sur ses penchants pour les marginaux du grand écran pendant que s’orchestre un joyeux bordel distordu.

Les dix titres défilent à une cadence folle, donnant une densité qui fait place à l’écoute multiple pour nous permettre de nous focaliser sur la symbiose des musiciens. Lombardo martèle royalement ses fûts pour dépasser le mur du son, tandis que Michael Crain assène des riffs précis avec brio pour servir une structure concise et intrigante. Rare bémol au tableau, le bassiste Justin Pearson mérite de mettre davantage sa quatre cordes en avant. À défaut de nous offrir plus de groove, il forme un duo efficace avec Crain pour nous entraîner sur les montagnes russes de “Idiopathic” en passant par les sermons saturés et scandés de “Divine Filth”.

L’expérimentation dont fait preuve le chanteur laisse place à une connexion entre artistes où il n’est pas seul maître à bord. En plus du batteur indissociable de Slayer, Crain et Pearson officient avec Retox, groupe ayant débuté chez Ipecac Recordings, label co-fondé par Patton. Il remplace ici le leader de cette même formation, Gabe Serbian, pour poser, et non imposer sa patte. Sa seule exigence sera de réécrire tous les textes pour les enregistrer dans sa cave, pratique qui tend à souligner la férocité de ces derniers. Le culte de la corruption (“Church Of The Motherfuckers”) et du fascisme ambiant (“Shillelagh”) sont des thèmes abordés pour tisser le fil rouge de ce brûlot produit par Ross Robinson, dont on peut citer les faits d’armes avec Korn, et plus récemment, avec Red Fang pour son dernier album.

Dead Cross livre un disque qui tient plus du pari réussi que du casting fantasmé menant au pétard mouillé. Véritable danse des tempos et des genres servie avec brutalité, la croix morte ne laissera personne indifférent dès les premières mesures. Devons nous continuer à vivre dans un monde de merde pour voir émerger des albums d’une rare qualité ? Nous vous laissons écouter en méditant sur cette ritournelle : Et rond et rond petit Mike Patton.

Informations

Label : Ipecac Recordings
Date de sortie : 04/08/2017
Site web : deadcross.bandcamp.com

Notre sélection

  • Seizure And Desist
  • Obedience School
  • The Future Has Been Cancelled

Note RUL

3.5/5

Ecouter l’album