Premier album de David Gilmour depuis l’album Rattle That Lock sorti en 2015, Luck And Strange promet d’enchanter les passionnés du légendaire guitariste de Pink Floyd. Bien qu’il s’éloigne un peu des artifices et des audaces musicales auxquels nous sommes habitués, ce disque offre une approche beaucoup plus intimiste, poignante et provocante, qui n’est pas sans nous déplaire.
Le chanteur David
L’ensemble ne s’inscrit pas dans la veine du rock psychédélique ou progressif traditionnel que l’on associe habituellement au guitariste. Il entame une approche plus jazzy avec, en ouverture, “Black Cat”, posant ainsi les bases et le rythme de cette heure à venir. Le second titre, qui donne son nom à l’album, nous fait découvrir la voix légèrement érodée de Gilmour, montant dans les aigus, emplie d’émotion, avec des paroles tout aussi émouvantes. C’est sa femme, Polly Samson, qui a écrit pour ce disque, témoignant ainsi de leur vie commune, explorant la mortalité de celui que l’on considère comme une légende immortelle, un rôle que David incarne avec sa voix vieillie et assumée. C’est une œuvre empreinte d’affection, impliquant des personnes chères à son cœur; on ne peut s’empêcher de verser une petite larme lorsque Gilmour laisse la place à sa fille, la harpiste Romany, sur la reprise de The Montgolfier Brothers, “Between Two Points”. Il est remarquable de voir comment le passage du temps a influencé le son et le style de ce disque, qui s’avère véritablement captivant.
Le guitariste Gilmour
Bien que l’ambiance soit légèrement différente de ses précédents travaux, l’essence de David Gilmour demeure intacte, avec des solos enchanteurs et des compositions psychédéliques et groovy. Les morceaux, à la fois uniques et profondément personnels, laissent plus de place à l’instrumentation afin de mettre un peu plus en avant ses paroles, mais cela ne signifie pas pour autant que les solos soient absents. Les lignes mélodiques emblématiques de sa Stratocaster reviennent avec “The Piper’s Call” : ses échos sonores caractéristiques et ses mélodies envoûtantes s’entrelacent pour créer une expérience unique. Ce changement de production est dû au choix de Gilmour de s’entourer d’une équipe plus jeune, avec notamment le producteur britannique Charlie Andrew (alt-J), qui a su dynamiser les sessions studio. Avec l’ajout de l’arrangeur Will Gardner et de musiciens aux influences jazz et punk jazz, tels que le bassiste Tom Herbert, le claviériste Rob Gentry et le batteur Adam Betts, Luck And Strange s’enrichit de nouvelles dimensions sonores, comme sur “Dark And Velvet Nights” ou encore “A Single Spark”. L’équipe est si bien rôdée qu’une rumeur court selon laquelle un nouvel album serait déjà en préparation.
Scattered, Pink Floyd
Comment ne pas conclure avec la chanson qui clôt l’ensemble, “Scattered” (certes, “Yes, I Have Ghosts” avec Romany et la version instrumentale de “Lucky And Strange” sont des bonus inestimables), et tous les messages qu’elle véhicule. Toujours coécrit avec sa femme, ici accompagnée de leur fils Charlie, ce n’est pas moins de sept minutes d’hommage à Pink Floyd que l’on retrouve, avec l’ouverture iconique de The Dark Side Of The Moon, tout en faisant écho à l’introduction de “Echoes”, accompagnée des paroles “The clearest light shines in the darkness / Shining on me“, qui rappellent fortement “Shine On You Crazy Diamond”, dédiée à Syd Barrett. On pourrait bien être face à l’une de ses plus belles compositions, tant par sa profondeur lyrique que par ses arrangements élaborés. Il s’agit peut-être d’un adieu poignant à son ancien groupe, qui a pesé sur ses épaules pendant tant d’années, afin de laisser place au génie créatif de Gilmour, exprimé ici avec une émotion et une réflexion profondes. On ressent un détachement du lien qui unissait Gilmour à Pink Floyd, lui permettant d’explorer librement ses idées, et cela nous comble. Ah non, les deux morceaux bonus, qui durent pas moins de dix-sept minutes au total, continueront de nous enchanter.
Pour les amateurs de Pink Floyd ou de Gilmour, cet album, et particulièrement ce morceau, est incontournable. Les riffs et solos sont toujours aussi efficaces et nous ramènent à une belle épopée musicale, tandis que les paroles nous dévoilent un chanteur dans une sérénité émerveillante. L’atmosphère délicate de Luck And Strange est fluide, nous montrant comment Gilmour a embrassé le passage du temps, acceptant sa propre vie et ses expériences. Espérons que le temps sera encore long pour lui, afin qu’il puisse nous offrir un autre disque dans cette veine.
Informations
Label : Sony Music / Legacy Recordings
Date de sortie : 06/09/2024
Site web : www.davidgilmour.com
Notre sélection
- Dark And Velvet Nights
- Scattered
- Luck And Strange
Note RUL
4/5
Merci pour cette très belle chronique .
David nous offre encore des pépites , et m’enchante depuis plusieurs dizaines d’années
l’émotion qu’il sait créer avec sa voix et sa guitare sont uniques , en particulier ici sur Between two points , Sings et bien sûr le chef d’oeuvre Scattered …
Sur le précédent album, c’était déjà le cas avec Faces of stone et In any tongue .
Un immense pilier du rock , et au surplus ( cela ne va pas forcément de pair) une très belle personne
Hâte de le voir une 13 eme et 14 eme fois en concert dans les semaines qui viennent