Chroniques

Brody Dalle – Diploid Love

Qu’on se le dise, l’indé punk grunge des années 90 n’est pas mort ! Et “Diploid Love”, le premier album solo de Brody Dalle (frontman de The Distillers et de Spinnerette) en est la preuve. Ce nouvel opus, est aussi pour l’australienne l’occasion de prouver une fois de plus qu’elle est à la hauteur de ses ainées, icônes de ce style, telles que Courtney Love (Hole), Donita Sparks (L7) ou encore Shirley Manson (Garbage).

L’album solo a été long à venir. Il est arrivé après vingt ans de carrière comprenant une pause de cinq années consacrées à l’agrandissement de sa famille. Mais, “Diploid Love” est le fruit d’un engagement total de la chanteuse. Brody Dalle en a écrit toutes les chansons et a joué elle-même la plus grande partie des instruments. L’écriture, l’enregistrement et la co-production des neuf titres qui composent la galette l’ont occupé une année entière. Pour le travail de production, c’est Alan Johannes (qui également œuvré avec Queens Of The Stone Age, Chris Cornell, Arctic Monkeys, Them Crooked Vultures et Mark Lanegan) qui l’a épaulé. L’enregistrement, pour sa part, a été réalisé dans le Pink Duck Studio de Josh Homme (son rouquin de mari et accessoirement frontman de QOTSA). “Diploid Love” s’ouvre de façon prometteuse avec “Rat Race”. Explosion tumultueuse de punk rock, ce morceau est terriblement efficace avec ses guitares lourdes en intro, sa section cuivre qui fait son petit effet sur le refrain, et son texte plutôt offensif à base de “je vais brûler cette ville”. Dès cette première chanson, c’est avec plaisir qu’on retrouve le timbre graveleux de Brody si bien adapté au style de musique qu’elle joue et qui pourrait laisser penser que les seules choses qu’elle ingurgite sont du Jack Daniels et des cigarettes. “Rat Race” donne donc le ton de l’effort : un son lourd, agressif et enflammé (voir parfois déchainé) évoquant avec honnêteté la vie, de ses débuts à son maintien en passant par son quotidien, ses angoisses et ses joies. Ce qui est frappant à l’écoute du reste de la galette c’est qu’on se dit que plusieurs pistes n’auraient pas jurés dans la discographie d’autres chanteuses. C’est par exemple le cas pour le menaçant “Blood In Gutters” dans lequel règne beaucoup de chaos et des guitares débridées, ou pour “Dressed In Dreams”, qui auraient tous deux pu être chantés par Courtney Love et figurer dans le tracklisting de “Live Through This” en 1994. C’est aussi le cas pour le titre plus électro “Carry On” qui, avec ses synthés, sonne comme du Garbage. Partant de ce constat, on pourrait être tenté de critiquer le manque d’originalité de “Diploid Love” tant ses inspirations sont évidentes. Néanmoins, les créations de Brody Dalle ne sont pas qu’un copié-collé de chansons d’autres groupes. La belle apporte aussi une touche personnelle à chacun de ses titres. C’est par exemple le cas avec “Underworld”, chanson intense menée à pleine vitesse dont l’originalité réside dans la présence de trompettes et par son final sous forme de concert de mariachis. Dans ce déluge de rock puissant et passionné de près de ¾ d’heure, Brody Dale ne baisse la garde qu’une seule fois, sur le septième morceau, “I Don’t Need Your Love”. Ici la chanteuse, accompagné de piano et violon, explore un nouveau style et propose une ballade marquée en plein milieu par une pause ou l’on entend le rire de ses enfants. Sur cette composition, le chant semble complètement inoffensif. Il est mélodieux, aéré, si bien que sa voix en est méconnaissable. S’il s’agit bien ici du premier album solo de Brody Dalle, on notera que la chanteuse est accompagnée sur plusieurs titres d’invités prestigieux comme c’est le cas sur le premier single sorti en février dernier, “Meet The Fœtus/Oh The Joy” ou l’on peut entendre Shirley Manson et Emily Kokal (Warpaint).  

Si nous étions au début des années 90, nous aurions conclu cette chronique en qualifiant “Diploid Love” d’album révolutionnaire. Mais nous sommes en 2014, et du coup, l’effort produit par Brody Dale est beaucoup moins original et ses titres ont un petit air de déjà-vu. Ceci-dit, ce n’est pas pour autant que la galette n’a aucun intérêt et qu’elle ne mérite aucune attention. Bien au contraire ! Avec la sincérité et la puissance qu’il dégage, cet essai est une belle très réussite dans le genre.

Informations

Label : Caroline
Date de sortie : 28/04/2014
Site web : www.brodydalle.com

Notre sélection

  • Blood In Gutters
  • Rat Race
  • Meet The Fœtus/Oh The Joy

Note RUL

4/5

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