ChroniquesSlideshow

Behemoth – The Shit Ov God

Avec son treizième album studio, Behemoth revient frapper là où ça fait mal. Trois ans après Opvs Contra Natvram (2022), le groupe mené par Nergal propose une œuvre brutale, concise et furieusement directe. Intitulé The Shit Ov God, ce nouveau disque abandonne les détours symboliques au profit d’un langage cru, frontal, pensé pour provoquer et marquer les esprits. Il s’agit d’une messe noire, conçue comme un exutoire entre colère divine, esthétisme païen et fureur scénique en puissance.

Blasphème à ciel ouvert

Avec The Shit Ov God, Behemoth fait exploser les derniers verrous de la bienséance. À travers huit morceaux taillés dans un black/death metal plus direct que jamais, le quatuor polonais se déleste des oripeaux du mysticisme progressif pour renouer avec une forme de brutalité essentielle. Le titre lui-même sonne comme une gifle. Une provocation totale, crue, quasi grotesque, qui n’est pourtant jamais gratuite. Dans cette outrance assumée se cache une forme de vérité : l’art de Behemoth n’a jamais été aussi frontal, aussi épuré dans son message. Bien sûr, le contexte religieux actuel vient en ajouter une couche.

L’ouverture, “The Shadow Elite”, annonce la couleur. Exit les longues introductions : ici, chaque riff s’abat comme un couperet, chaque note semble servir un dessein sacrilège. L’atmosphère est lourde, écrasante, mais la structure du morceau reste étonnamment limpide. Le chant de Nergal, guttural et maîtrisé, donne l’impression d’un sermon hurlé dans un sanctuaire renversé. “Sowing Bath” poursuit dans cette veine : martèlement martial, voix exaltée, tension continue. Behemoth simplifie son langage pour mieux le rendre universel et paradoxalement, plus solennel.

Entre feu sacré et feu destructeur

C’est avec “The Shit Ov God” que l’album atteint son premier sommet. La ligne vocale, implacable, donne le ton dès les premières secondes : pas de montée en puissance, pas d’échappatoire. Ce morceau résume à lui seul l’intention de l’ensemble – une forme de liturgie noire débarrassée de toute métaphore. Pourtant, derrière l’agressivité des paroles (“Eat my flesh! Drink my blood! I am the shit of God!“), se cache un agencement instrumental d’une grande finesse. Les orchestrations en arrière-plan confèrent une aura quasi sacrée à l’ensemble, comme si l’iconoclasme se nourrissait de la beauté même de ce qu’il profane.

“Luciferaeon” accélère le tempo et s’autorise une respiration inattendue : un solo mélodique presque hard rock, inattendu mais parfaitement intégré à la densité du morceau. C’est l’un des moments les plus révélateurs du disque : Behemoth n’hésite plus à puiser hors de ses frontières, sans jamais diluer son essence. Plus loin, “To Drown The Svn In Wine” convoque l’ombre de The Satanist (2014) avec ses textures profondes, ses couches orchestrales et son ambiance oppressante. Chaque morceau est pensé comme une pièce de théâtre sombre, où la musique devient décor, tension et catharsis.

La beauté dans le sacrilège

“O Venvs, Come!” surgit comme une incantation à la beauté dans la fange. Plus lent, plus cérémoniel, le morceau déploie un riff d’une solennité hypnotique, soutenu par des nappes orchestrales spectrales. La voix de Nergal s’y fait incantatoire, presque douloureuse. La montée en puissance est savamment maîtrisée, et donne au titre un caractère mystique d’autant plus marquant qu’il s’insère dans un album très direct. Behemoth y montre sa capacité à faire jaillir la spiritualité du tumulte, à sublimer le blasphème par le rituel.

Tout au long de The Shit Ov God, le groupe cherche moins à raconter qu’à frapper. Chaque structure, chaque break, chaque riff vise un effet immédiat, conçu pour résonner dans un lieu sacré renversé. Derrière cette tension permanente, la production de Jens Bogren impose une netteté chirurgicale, rendant justice à l’ampleur rythmique et à la sophistication discrète des arrangements. Rien n’est laissé au hasard : si le disque semble minimaliste dans sa durée, il déborde de détails qui enrichissent chaque écoute.

L’essence retrouvée

The Shit Ov God est une œuvre qui va à l’essentiel, Behemoth signe un album coup-de-poing, chargé de rage, d’ombre et de feu. Ce disque court et dense concentre tout ce qui fait la force du groupe : la violence du propos, la théâtralité de la forme, et une maîtrise sonore impeccable. Une messe noire sans détour, conçue pour être vécue pleinement, corps et âme.

The Shit Ov God sonne comme la synthèse d’un groupe qui sait ce qu’il incarne et ce qu’il veut brûler. Un album qui laisse des cendres sous les paupières.

Informations

Label : Nuclear Blast
Date de sortie : 09/05/2025
Site web : www.behemoth.pl

Notre sélection

  • O Venvs, Come!
  • The Shit Ov God
  • To Drown The Svn In Wine

Note RUL

 4/5

Ecouter l’album

1 Commentaire

  1. Il s’agit d’une treizième album studio de Behemoth, non pas du neuvième.

    À part cette erreur, la chronique tient bien mieux la route que celle du dernier Ultra Vomit, remplie d’approximations farfelues.

Ecrire un commentaire

Marion Dupont
Engagée dans la lutte contre le changement climatique le jour, passionnée de Rock et de Metal le soir !