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Arctic Monkeys – The Car

On avait laissé les Arctic Monkeys dans son ambiance rétro-futuriste avec Tranquility Base Hotel & Casino (2018). Quatre longues années plus tard, la bande d’Alex Turner est de retour avec un nouvel album, sobrement intitulé The Car. Et une chose est sûre : le rock lourd et puissant de l’époque AM (2013), c’est bel et bien terminé ! Alors, maintenant que l’on sait cela, on pleure ou on se laisse embarquer dans ce nouveau chemin musical ?

En seize ans de carrière et avec sept albums à son actif, la formation originaire de Sheffield a littéralement fait le grand écart en termes de style musical. Du rock qui lui a permis de devenir l’un des plus grands groupes du genre de cette dernière décennie, le quatuor a ensuite pris un virage à 360° avec TBH&C et ses chansons vintage inspirées directement de l’univers de Gainsbourg. Même si de nombreux fans espéraient un retour aux sources avec ce prochain disque, le batteur Matt Helders a rapidement mis fin à leurs espoirs en déclarant en mai : “Ce ne sera plus jamais comme “R U Mine?” et ce genre de trucs. C’est un peu comme reprendre musicalement là où Tranquility Base Hotel & Casino s’est arrêté“. Et c’est vrai !

Les dix titres de The Car, tous écrits par Alex Turner, s’inscrivent dans la droite lignée de TBH&C. Produit par James Ford, le disque a été enregistré au Butley Priory (Suffolk), aux RAK Studios de Londres et à La Frette, non loin de Paris, où une grande partie de l’enregistrement de son prédécesseur avait été réalisé.

Whatever people say I Am, That’s what I’m not

Ce titre du tout premier album, sorti en 2006, ne pourrait pas mieux s’appliquer ! Qu’on ne s’attende pas à retrouver les Monkeys avec leurs vestes en cuir et les cheveux gominés, toutes guitares dehors, à réutiliser cette bonne vieille recette qui a fait leur succès. Car dès la chanson d’ouverture, “There’d Better Be A Mirrorball”, le ton est donné : c’est l’ambiance lounge et feutrée so seventies qui dominera. Avec ce slow doux et majestueux accompagné d’un orchestre, omniprésent sur l’ensemble des morceaux, on comprend vite que les riffs énervés et les chansons catchy ne seront clairement pas la marque de fabrique de The Car. En effet, très peu de guitares mais principalement des violons, des cordes et des arrangements plus que parfaits, tous composés par Mr. Turner également. En somme, un certain raffinement et une élégance qui émanaient déjà de la formation depuis quelques années. Si on apprenait que l’album entier était choisi comme bande originale du prochain James Bond, on ne serait pas du tout étonné !

On est agréablement surpris par la version studio de “I Ain’t Quite Where I Think I Am”. Dernier extrait dévoilé avant la sortie officielle, il s’agit aussi de la première chanson que les Britanniques ont révélé au public français, lors de leur prestation à Rock En Seine en août dernier. Et si la version live a peiné à convaincre ce soir-là, cette fois on se laisse volontiers entraîner par sa mélodie funky.

La majorité de l’ensemble est une succession de ballades nostalgiques au son chaud, sublimées par ces cordes et cet orchestre, à l’image de la sublime “Big Ideas”, la mélodramatique “Body Paint” avec ses envolées lyriques ou encore “Mr Schwartz” et “Perfect Sense”. Mention spéciale à “Sculptures Of Anything Goes” avec son synthé menaçant et son climat aussi oppressant que magnifique.

En parfait crooner romantique, Alex Turner livre sur cet album certaines des plus belles performances vocales de sa carrière. Même son accent made in Sheffield, qui avait pourtant tout son charme sur les précédents disques, a totalement disparu !

Ce qui n’a pas changé en revanche, ce sont les paroles à la fois déroutantes et banales, les métaphores et images quasi impossibles à déchiffrer, sorties tout droit de l’imaginaire débordant du chanteur. Car encore une fois, le frontman réussit le pari de nous emmener avec lui dans son voyage mélancolique et langoureux, teinté de mélodies aussi belles que travaillées. Sur le titre éponyme, “The Car”, l’ambiance sonore nous plonge directement dans les films d’Ennio Morricone, une référence qui n’est pas inconnue à l’univers de Turner mais qui est ici poussée à son paroxysme.

Alors oui, certains diront sûrement que Arctic Monkeys n’a plus grand chose à voir avec un groupe de rock et pourtant, c’est là toute la subtilité. Il faut, au contraire, voir tout le chemin parcouru depuis la sortie de Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not (2006) et la période électrisante de AM. Surtout, il faut saluer l’audace et le talent de musiciens qui ont su évoluer avec le temps, se réinventer sans jamais se reposer sur leurs acquis. The Car est sans doute le parfait album pour que les fans de la première heure acceptent ce changement et continuent d’avancer avec ce groupe qui n’en finit pas de nous donner des frissons et de nous montrer qu’il reste l’un des meilleurs de sa génération, si ce n’est le meilleur.

Informations

Label : Domino Records
Date de sortie : 21/10/2022
Site web : www.arcticmonkeys.com

Notre sélection

  • Body Paint
  • Sculptures Of Anything Goes
  • Big Ideas

Note RUL

 4/5