Chroniques

Arcade Fire – Reflektor

Arcade Fire ne se présente plus. A l’instar d’Arctic Monkeys en Angleterre ou The Strokes aux États-Unis, le Canada a vu grandir ce groupe de rock indé avec une force et un talent rare. Les années 2000 leur ont appartenu, de leur éblouissant “Funeral” (2004) qui les a fait connaître au philosophique “Neon Bible” (2007), inspiré de John Kennedy Toole. Deux albums ont suffi pour les amener au sommet. Ils rentrent dans les années 2010 avec “The Suburbs” élu album de l’année aux Grammy Awards. Du public à la critique en passant par ses pairs, Arcade Fire a conquis la planète du rock en une décennie. De retour avec “Reflektor”, les canadiens continuent de nous captiver et pour la forme, ils se payent la co-production de James Murphy, le petit génie de LCD Soundsystem.

Arcade Fire, c’est une personnalité affirmée et des références de choix. Le premier titre éponyme le prouve à merveille : solo en cascade, ambiance à la Bowie, apparition de Régine Chassagne et funk à la limite du glam. Ce morceau de plus de sept minutes est une pépite taillée au millimètre près. Le groove continue avec “We Exist” où le disco de Giorgio Moroder se mêle à la basse sombre de The Cure. Arcade Fire est excellent avec ses morceaux de plus de cinq minutes, toute bonne formation rock qui se respecte doit avoir des morceaux de cinq minutes dans son album, et sur “Reflektor” ils sont légions. Du magistral “Here Comes The Night Time” épopée d’un rock anarchique qui se métamorphose en un post punk groovy à la sauce new-yorkaise, au glam rock explosif de “Joan Of Arc” en passant par “Porno”, à la fois crade et lancinant, une ode au classic rock revisité avec la grâce de Win Butler. Le deuxième CD, plus lent, plus progressif, fait l’effet d’un envoûtant sas de décompression où les angoisses oubliées sur la piste resurgissent pour tourmenter un corps épuisé mais apaisé. Plus loin, “Afterlife” laisse Win Butler éclater sa voix jusqu’à la rupture, les chœurs apportent une impressionnante sensation d’apaisement, un “Rebellion (Lies)” qui s’ignore. “Supersymmetry” vient clôturer l’opus ou plutôt le double disque. Plus de onze minutes de montées en puissance pulsatiles maitrisées avec brio, après Butler, c’est Eno qui contrôle le titre avec une main vaporeuse et insubmersible. Arcade Fire est au-dessus du lot, ce groupe flotte au-dessus de toute la mouvance indé de ses dix dernières années, c’est un peu ça la finalité de cet essai.

Après les figures d’Adam et Eve, Arcade Fire passe à Eurydice (“Awful Sound”) et Ophée (“It’s Never Over”). En partant de “Funeral”, soignant le deuil par l’amour, “Reflektor” prend le contre-pied en jouissant de la passion au-delà de la mort. Comme si Butler et Chassagne, derrière leurs émotions sonores, ne donnaient lieu qu’à leur relation intime. En live, Arcade Fire est impressionnant et ce n’est plus une surprise, alors vivement la saison des festivals cet été, pour profiter une nouvelle fois de “Reflektor” et du meilleur groupe de rock qui sévit dans le pays du caribou.

Informations

Label : Universal Music / Barclay
Date de sortie : 28/10/2013
Site web : arcadefire.com

Notre sélection

  • Supersymmetry
  • Reflektor
  • Here Comes The Night Time

Note RUL

4.5/5

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