Chroniques

Paul McCartney – Egypt Station

Nul besoin de présenter l’un des membres fondateurs des Beatles. Compositeur végétarien plus grand que Jésus et ayant inspiré pléthore d’artistes, le multi-instrumentiste de Liverpool compte une carrière solo prolifique, accompagné du groupe The Wings ou en son seul nom. Plus d’une vingtaine d’albums de qualité, chacun étant le produit de l’époque de sa sortie avec une touche intemporelle, la patte de sir McCartney. Propulsé sur le devant de la scène et au centre des passions depuis l’âge de vingt-et-un ans, est-il possible à soixante-seize ans de les déchaîner avec de nouvelles compositions ? “Egypt Station”, son premier effort studio en cinq ans, peut nous éclairer.

Après une légère introduction par un collage sonore invitant l’auditeur dans une station ferroviaire imaginaire, le piano de “I Don’t Know” résonne alors qu’une guitare pose discrètement ses accords. “I got crows at my window, dogs at my door. I don’t think I can take any more” sont les premières paroles plaquées sur la mélodie. Il est désarmant d’entendre celui qui est considéré comme une légende vivante admettre, avec ses termes aussi naïfs que profonds, que la route qui se dresse devant lui se raccourcit de jour en jour. La nostalgie est inhérente à Paul, comme elle l’a été également pour George Harrison et Ringo Starr. L’aventure des Beatles a duré une décennie, trouvant un léger souffle de deux ans au milieu des années 90 pour une brève reformation. Ancré dans cette envie de retrouver un âge d’or, ce titre résume à lui seul la carrière de Macca et ses nombreuses collaborations pour retrouver une grâce ainsi qu’une place dans les charts. Certaines se révèlent bénéfiques, comme sa rencontre ainsi que son travail avec Dave Grohl.

Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir Greg Kurstin à la production après avoir officié sur le dernier opus des Foo Fighters. Parfait candidat pour faire entrer subtilement un brin de modernité dans les sonorités de l’album, il magnifie chaque tentative en faveur de la nouveauté de Sir Paul. Les constructions familières rattrapent tout de même l’ensemble, de la chanson d’amour mièvre dédiée à sa femme Nancy avec “Hand In Hand” aux protestations politiques plus que polies avec “People Want Peace” faisant référence à ses prestations en Israël, et “Who Cares”, dirigée subtilement contre l’administration Trump. Cependant, le majeur cheveu dans la soupe réside dans le single “Fuh You” d’une qualité déplorable. Le morceau est produit par Ryan Tedder (OneRepublic), obligeant McCartney à se complaire dans un tas d’âneries modernistes ni faites, ni à faire, du côté des paroles comme de l’identité sonore. La chanson figure tout de même sur le disque, au grand dam du premier concerné. L’auto-sabotage fait partie du personnage, et ne l’empêche pas d’être aujourd’hui premier des ventes aux États-Unis.

Bien qu’il contient des passages obligés, on retrouve dans cet album des moments très personnels dont il n’est pas aisé de nier la force de composition, de “Despite Repeated Warnings” et ses cuivres à “Do It Now”, titre basé sur des paroles de son père lors de son enfance à Liverpool. Il ne se cantonne pas à un seul genre, tout en apportant le plus de cohérence possible aux seize compositions de l’essai. Fidèle à lui-même malgré quelques écarts, il n’a plus rien à prouver tout en suscitant tout de même la réflexion. Nous sommes en présence de ce que Paul McCartney a fait de plus pur durant ces dernières années, sans l’ombre d’un doute. Rythmé et coloré, seul le temps nous dira s’il résonne encore à l’avenir.

Oscillant entre la mélancolie et les douceurs, “Egypt Station” possède bien des qualités à travers sa réflexion en trois dimensions. Passé, présent, futur, rien n’est épargné par Paul McCartney qui restera dans la peau de son personnage jusqu’à la fin. Quoi qu’il arrive, il sera toujours passionnant et passionné.

Informations

Label : Universal Music / Capitol
Date de sortie : 07/09/2018
Site web : www.paulmccartney.com

Notre sélection

  • I Don’t Know
  • Despite Repeated Warnings
  • Hunt You Down /Naked / C-Link

Note RUL

3/5

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