Chroniques

Papa Roach – F.E.A.R.

Papa Roach n’a pas eu peur de vivre ensemble le temps de composer son dernier disque intitulé “F.E.A.R.”, sorti le 27 janvier dernier, sous le label Eleven Seven Music, et cela se ressent dans l’harmonie générale de ce dernier. Sans prendre de grands risques pour autant, la formation a osé quelques nouveautés dans ses formules habituelles, afin de fournir un rendu plus propre, plus lisse, et surtout plus mature que le metal pour adolescents qu’elle proposait il y a quelques années. Pourtant, le squelette du groupe reste le même, et il ne peut le cacher, car comme on dit “les cicatrices nous rappellent que le passé existe”, il faut juste avancer à partir de là. Si vous n’avez pas peur de vous prendre un coup de vieux, et que vous acceptez le changement avec cela, alors faites face à ces dix titres, ces dix testaments qui forment un tout, comme un chemin initiatique vers la rédemption.

Pour ceux qui ont grandi avec Papa Roach, cet album replonge en adolescence, en abordant une sonorité des débuts des années 2000, notamment sur des pistes comme “Face Everything And Rise” qui aurait presque des allures de “Meteora” de Linkin Park. Et quelque part, ce retour en arrière a un effet cathartique. En effet, Papa Roach, malgré son aspect provocateur, a toujours aidé à dénoncer les travers de la vie, de la société, à parler des problèmes parfois délicats ou tabous, avec une verve tantôt violente, tantôt douce. Tout cela aura permis à grand nombre de leurs fans de traverser les tempêtes, de ne pas abandonner, de faire face à tout et se relever. Ce propos, nous le retrouvons en condensé dans “F.E.A.R.”, et notamment le titre “Face Everything And Rise” est parlant à ce sujet, ne serait-ce que de par son nom. Cet opus recoupe les thèmes courants du combo, tels que les problèmes relationnels, la gestion de ses propres affects, liés au propre passé de Jacoby Shaddix, dont il nous fait part ici notamment sur ses addictions (“Skeleton”), ou encore lorsqu’il confesse avoir connu l’argent, la gloire, l’alcool, les femmes, (“the money, the fame, the booze, the girls”), mais que cela l’a laissé vide, dans “Gravity”. La réverbération sera d’ailleurs brillamment utilisée dans “Broken As Me” lorsqu’il dit que tout cela l’a laissé vide. Seulement, cette fois, la composition délivre un message plus positif, celui porté par le titre : au sein même de la peur, il y a la trace de beaucoup plus, lorsque l’on prend le temps d’observer les choses, ils nous montrent qu’à l’intérieur même de la notion de peur (“F.E.A.R.”), il y a la solution pour la dépasser, à savoir “Face Everything And Rise” (dont les premières lettres forment l’acronyme du titre). La notion de rachat apparaît à de nombreuses reprises, comme un disque de confessions, celui dans lequel le frontman déclare “the devil in you was me” (le démon en toi était moi), ou encore “I was the poison in you” (j’étais le poison en toi). Comme dans une quête de rédemption, il écume petit à petit les sujets de la vie, dans une symbolique apocalyptique (“Never Gonna Say Goodbye”) et guerrière (“Warriors”, “War Over Me”), appuyée par le champ lexical du feu et du péché, sans quitter de vue le but d’être sauvé, de se sauver. Et cela semble être apporté par la femme, à sans doute comprendre plus largement comme la relation amoureuse. Dans l’entretien que nous avions eu avec eux il y a quelques temps, le chanteur nous parlait de sa relation avec sa femme, et à quel point cela était enrichissant, et comment ce lien resurgissait dans ses écrits. Et d’une certaine manière, il semble qu’il soit possible de comprendre par cet essai, qu’elle soit celle qui l’ait sauvé de son passé sombre, et qu’il la remercie, la glorifie d’une certaine façon ici, et cela s’entend dans “Never Have To Say Goodbye”. “Love Me Till it Hurts” en sonne comme la preuve absolue, mais aussi par le ton plus léger, aérien qu’apporte la voix de Maria Brink d’In This Moment dans “Gravity”, qui ne sera d’ailleurs pas sans nous rappeler “Airplanes” de B.o.B en featuring avec Hayley Williams, efficace bien que n’étant pas fantastique.

Le génie de cet effort pris dans sa totalité réside dans le fait que, dans la forme ou dans le fond, cet élévation à partir du passé, la lumière apportée dans l’obscurité, est signe de fertilité, prolongeant la métaphore de la relation. De fait, ce disque lui-même en est l’exemple, il est l’enfant né de ce long chemin de croix, mais également, il est source de nouveauté. Le groupe a abandonné le neo metal pour un mélange efficace de pop rock électronique qui, bien qu’étant nouveau, garde la pâte propre de Papa Roach, les grandes lignes de ses travaux précédents. Ce sont seulement des éléments nouveaux qui viennent se greffer, et montrer que les musiciens ne sont pas morts, qu’il y a toujours un moyen de continuer, de se relever, et surtout qu’il ne faut pas avoir peur d’essayer, comme le fait Jacoby en rappant sur “Gravity”, ou encore avec la participation de Royce da 5’9″ sur “Warriors”. Malgré tout, bien que les pistes soient toutes efficaces, la lecture générale reste assez convenue, et mènera sans doute cette sortie à être un succès auprès des plus grands fans de Papa Roach, ou de ceux qui ont grandi avec et aiment se rendre nostalgiques, mais il risque malheureusement de vite tomber dans l’oubli pour les plus récalcitrants. A voir si cela fait peur à la formation, qui pour l’instant assure un show parisien complet dans quelques jours, et un autre en novembre, en bonne voie de l’être !

Informations

Label : Eleven Seven Music
Date de sortie : 27/01/2015
Site web : www.paparoach.com

Notre sélection

  • Falling Apart
  • War Over Me
  • Face Everything And Rise

Note RUL

4/5

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