Chroniques

Jack White – Boarding House Reach

À l’instar de Jimmy Page avec Led Zeppelin, John Anthony Gillis fait briller de nouveau les titres de noblesse du blues vingt ans plus tard avec une formule duo nommé les White Stripes. Huit ans et six albums cultes plus tard, l’homme décide de terminer l’aventure des rayures blanches pour se consacrer à d’autres projets comme The Raconteurs et The Dead Weather. Parmi toutes ses entreprises, Jack White fonde dans son obsession pour la production analogique Third Man Records au début des années 2000. De grands noms allant des Melvins à Neil Young rejoignent l’écurie pour enregistrer albums, lives, et voir des rééditions de qualité sur vinyles apparaître sur le marché. “Boarding House Reach” se situe comme le troisième jalon d’une carrière solo débutée en 2012.

Après avoir détaché nos yeux d’une belle pochette rappelant que la couleur de l’homme seul est le bleu, “Connected By Love” nous plonge dans une ambiance gospel inspirée. Les influences majeures du blues sont diluées pour laisser place à un autre courant qui occupe une place importante dans la vie de l’artiste, cette fois trempé dans une sonorité contemporaine qui porte la griffe de White. Rien n’est laissé au hasard, cette introduction sortie en single nous tient la main le temps d’apercevoir le cabinet de curiosités où nous allons être lâché. “Why Walk A Dog?” accueille sur des notes de synthétiseurs empruntées à l’univers de Screamin’ Jay Hawkins le visiteur curieux. La six cordes passe par de multiples expériences pour ne plus sonner comme telle, mais comme une curieuse machine électrique estampillée Nikola Tesla.

Le fil se retrouve avec “Corporation” et son instrumental aux effluves de jazz New Orleans ayant fricoté avec les débuts du hip hop dans les quartiers du Bronx. La touche des Stripes se retrouve de temps en temps avec par exemple “Over And Over And Over”, mais elle sera toujours minoritaire face à l’inventivité du maître qui fait surgir des styles de tous côtés, empruntés à d’autres hommes d’expérimentations allant de Captain Beefheart à Frank Zappa. Jack White se réserve le beau rôle de bonimenteur, personnage rocambolesque susceptible de nous surprendre, soit en recyclant de vieux tours, soit en sortant un nouvel atout de sa manche.

Le résultat impressionne par son aspect rassembleur et également solitaire, le processus de création consiste à un homme se coupant du monde avec un enregistreur quatre pistes. L’auditeur perd facilement pied en pensant que la cohérence n’est pas de mise, alors que la boucle séparant “Connected By Love” et “Humoresque” est bien présente. Dissimulé sous une forêt massive d’effets analogiques et d’inspirations diverses, des séries B de science-fiction à la poésie du XIXème siècle, l’ancien leader des White Stripes laisse son alter ego flirter avec son époque, s’essaye même au rap avant de revenir avec une ballade country.

Une fois de plus, Jack White prend une direction où personne ne l’attend. “Boarding House Reach” est une preuve d’ouverture d’esprit exemplaire. Si l’effort studio ne suffit pas à contenter les puristes chez eux, il est vivement conseillé de donner une seconde chance à ce disque en live. Prenez part au voyage sans boucler votre ceinture et sans bouder votre plaisir. Là où on va, on n’a pas besoin de routes.

Informations

Label : Third Man Records
Date de sortie : 23/03/2018
Site web : jackwhiteiii.com

Notre sélection

  • Corporation
  • Over And Over And Over
  • Humoresque

Note RUL

3.5/5

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