Chroniques

Electric Wizard – Wizard Bloody Wizard

Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui distillent avec subtilité l’héritage de Black Sabbath, et ceux qui creusent habilement sur les terres de l’hommage assumé. À l’instar de leurs confrères du mouvement stoner, les piliers du doom font rarement dans la dentelle. Quelques décennies après les premiers méfaits de la joyeuse bande menée par Tony Iommi, il ne faut pas s’étonner de voir émerger des groupes nommés Masters Of Reality ou encore Electric Wizard. Le soucis de nous faire remonter le temps est aujourd’hui poussé à l’extrême par le quatuor du sud de l’Angleterre avec “Wizard Bloody Wizard”, référence directe à “Sabbath Bloody Sabbath” (1973).

Un rapide coup d’œil sur la pochette où le titre s’inscrit en lettres de sang/confiture de myrtille sur le ventre d’une jeune femme dénudée, et nous voilà entraînés d’un pas lourd dans un voyage de quarante deux minutes. La saturation des guitares nous offre une ambiance épaisse difficile à couper au couteau, “See You In Hell” nous plonge instantanément dans les méandres hypnotiques de l’imagerie doom à travers les âges. Le grand prête Jus Oborn fait tomber les riffs sur sa Gibson SG en invoquant les démons par milliers de sa voix nasillarde. Sa fidèle compagne Liz Buckingham accompagne ces incantations à la six cordes tandis que la section rythmique martèle basse et fûts. “Hear The Sirens Scream” s’épargne toute montée stratosphérique pour nous balancer un riff enivrant aux oreilles, un peu de la même trempe que celui qui a capté votre attention et que vous avez repassé en boucle la première fois que vous avez écouté “Paranoid” (1970).

Tout est imprégné de l’odeur de marijuana sur les pages de H.P Lovecraft. On imagine les séances d’écritures où les paroles naissent sur papier après leur apparition dans la fumée qui embaume l’écran de télévision diffusant un giallo tard dans la nuit. Les lampes des amplis chauffent et un léger larsen résonne. La répétition des accords de “Mourning Of The Magicians” emplit la pièce et Oborn se met à chanter les choses les plus angoissantes qui lui passent par la tête. Si vous fermez les yeux, vous allez craindre de vous voir téléporter au beau milieu d’une lande où le brouillard abrite les créatures qui peuplent vos cauchemars.

Bien que le groupe soit taxé de manque d’innovation depuis “Black Masses” (2010), fort est de constater qu’il met toujours un point d’honneur à délivrer un disque à la production travaillée dans le moindre détail. Plus de vingt deux ans nous séparent du premier opus, il est normal de noter quelques redondances dans le champ lexical et mélodique du fait que les musiciens préfèrent exceller sur un champ de bataille qu’ils foulent depuis longtemps. Là réside toute la différence avec son grand frère dont il fait écho. “Sabbath Bloody Sabbath” est un disque charnière dans l’évolution d’une formation qui flirte avec le succès critique et publique depuis à peine trois ans et qui est en devenir de devenir l’un des plus grands représentants de son mouvement. Un album culte cité par un autre qui n’est pas en passe de le devenir, non par manque de talent, mais car il n’est pas conçu dans cet esprit. L’un des rares chemins que Oborn n’emprunte pas à Osbourne.

“Wizard Bloody Wizard” ne fait pas l’objet de surprise ou de déception. Ce neuvième opus ravit à travers le prisme de compositions plus épurées. Si vous pensez que c’était mieux avant, méditez là-dessus. Bien qu’il n’apporte rien de nouveau au genre, voilà un opus conscient d’étaler avec passion son héritage. Pourquoi ? Avez-vous écouté la radio ces derniers temps ?

Informations

Label : Spinefarm Records
Date de sortie : 10/11/2017
Site web : www.electricfuckinwizard.com

Notre sélection

  • See You In Hell
  • Hear The Sirens Scream
  • Wicked Caresses

Note RUL

3.5/5

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