Chroniques

Courtney Barnett & Kurt Vile – Lotta Sea Lice

Il faut dire que notre duo Courtney/Kurt du jour n’a pas la blondeur de l’amour décadent de Love et Cobain, mais ce n’est pas pour autant que l’on ne pardonne pas cet écart à nos deux têtes brunes dès la première écoute du tout frais “Lotta Sea Lice”. On pensait pourtant que chacun d’entre-eux se suffisait à lui-même. D’un côté, Courtney Barnett, tout droit débarquée de Melbourne avec son indie rock; de l’autre, Kurt Vile, natif de Philadelphie et maître dans l’art de l’indé-folk-country-psyché lo-fi (bref, un petit mélange de tout). Il leur a fallu trois années pour sculpter et peaufiner cette collaboration intimiste et énigmatique qui nous projette dans l’antre protectrice et poussiéreuse aux odeurs de clopes et de café de nos deux outsiders.

L’opus nous ouvre ses portes sur le long “Over Everything”, prodigieux échange durant lequel ils dépeignent tour à tour le processus créatif qui meut leur art respectif. Si leurs voix se distinguent dès l’amorce et au fil des couplets, elles finissent par ne faire qu’une, comme s’il s’agissait de celer l’union philosophique et musicale de ces deux intellectuels à guitare. Les deux artistes n’en restent pas là et construisent tout au long de “Lotta Sea Lice” cette relation platonique en reprenant chacun leur tour des titres solo qui ont tissé leur aura respective, si bien qu’on assiste à un fabuleux “Peepin’ Tom” made by Courtney (“Smoke Ring For My Halo”, Kurt Vile, 2011) et à un “Outta The Woodwork” bien Vilien (“A Sea Of Split Peas”, Courtney Barnett, 2014).

Les voix et les guitares se lacent et se délacent au fil des interprétations et réinterprétations toujours plus organiques du duo, qui semble exceller dans l’art du remaniement. On retrouve avec plaisir la nature grunge de Barnett dans “Fear Is Like A Forest” (cover de Jen Cloher, la femme de Barnett, 2009), où les guitares se font un poil plus crades que dans le reste de l’essai. “Untogether” (reprise de Belly, 1993) referme la parenthèse d’une légèreté presque irréelle et on se voit voguer, en apesanteur au dessus de ce monde qui va bien trop vite. La facilité avec laquelle l’alchimie se forme entre les deux musiciens est bien déconcertante.

Barnett et Vile nous offrent en neuf titres une longue discussion quasi introspective rythmée par des voix et des jeux de guitares distordus d’une adorable nonchalance et d’une complémentarité exemplaire. Il s’agit vraisemblablement de se raconter l’un l’autre et de se raconter soi-même pour l’autre. Ce n’est ni du Barnett, ni du Vile. Ce n’est pas non plus du tout neuf, ni du vraiment vieux. “Lotta Sea Lice” semble vouloir se faire l’ovni dominical qui viendra nous réchauffer le coeur et l’esprit cet automne.

Informations

Label : Marathon Artists / PIAS
Date de sortie : 13/10/2017
Site web : courtneybarnettandkurtvile.com

Notre sélection

  • Over Everything
  • Continental Breakfast
  • Peepin’ Tom

Note RUL

4.5/5

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