Chroniques

Architects – All Our Gods Have Abandoned Us

Il règne, dans la scène metalcore, une sorte de passe-droit intouchable autour d’Architects. Depuis cinq ans et la sortie de “Daybreaker” (2012), il y a comme une passation de génération autour de ce groupe. Les fans de “Hollow Crown” (2009) ont, plus ou moins, tous lâché l’affaire pendant qu’une nouvelle génération, assez orientée mosh, il faut le dire, érige le quintette de Brighton en idoles de la scène -core. Et personne ne peut véritablement déterminer si cette vive passion est justifiée, il s’agit seulement d’observer objectivement ce qu’apporte ce “All Our Gods Have Abandoned Us”, deux ans après le culte “Lost Forever//Lost Together” et son armée de tubes.

Une fois l’album lancé, la surprise vient plutôt de la non-surprise. En effet, avant les chansons en elles-mêmes, ce qui frappe est l’exact reproduction de la production présente sur “LF//LT”. Tout sonne exactement pareil, si bien que l’on a l’impression que ce nouvel opus a été enregistré au même moment (les mauvaises langues diront qu’il s’agit en fait des B-sides de précédent disque).

Pourtant, une fois les écoutes répétées, les subtilités et l’évolution de la formation se distingue. Si le précédent effort studio offrait un virement artistique bien précis dans la carrière d’Architects, le tout avec un essai extrêmement dense, presqu’étouffant, on se trouve ici avec une version plus mature de cette lignée artistique. Les chansons sont, de manière générale plus aérées, moins fourre-tout et les démonstrations techniques des musiciens sont moins présentes.

Il n’en reste pas moins un disque d’Architects pour autant. Soit la réunion de cinq musiciens de grand talent avec une technicité assez incroyable. Ainsi, certains morceaux offrent des prouesses techniques assez incroyables pour ce qui est des structures alambiquées (“From The Wilderness”, “Deathwish”). Architects était, avant, considéré comme un groupe de metalcore sans mosh part, c’est désormais de l’histoire ancienne car le combo aime désormais tout dégommer sur son passage avec des breaks d’une violence étonnante. La production hyper précise et massive appuie encore plus ce sentiment de puissance (“The Empty Hourglass”).

Si la forme ne surprend pas, bien que l’on note tout de même une formation qui a appris à mettre sa technique au service de la musique et non pas une heure de masturbation musicale, le fond lui est toujours aussi profond et sombre. Les paroles hurlées par Sam Carter font état d’un monde qui a, visiblement, franchi la ligne blanche une bonne fois pour toute. Et même si Architects s’évertue à laisser un filet de lumière et d’espoir, il s’agit surtout d’accommoder d’une situation désespérée pour ne pas l’empirer encore plus même si, on le sent bien, le mal est fait. En ce sens, le titre de cet album (scandé dans l’ultra violente “Nihilist”) fait preuve d’une ironie quasiment meurtrière. En effet, les Anglais ne remettent pas sur le dos des divinités l’état du monde dans lequel mais, par ce statut d’abandon, ils soulignent à quel point l’Homme n’a pas été en mesure de prendre ses responsabilités.

Et si le quintette assure un max, il faut également noter la performance encore plus incroyable de Sam Carter. Sans doute le meilleur chanteur de sa génération, le blondinet offre un spectre de voix assez large et des cris d’une puissance incroyable. Sa meilleure performance à ce jour se trouve sûrement sur “Gone With The Wind”, qui, en plus d’être la meilleure chanson de ce “All Our Gods Have Abandoned Us”, est sublimée par la performance vocale de Carter qui officie dans un registre que peu peuvent atteindre.

Ainsi, on se trouve face à un album bien plus mature que son grand frère. Plus intéressant dans son rapport fond-forme que le précédent, il rencontrera surement un succès moins probant que le précédent car moins évident et frontal dans son approche. Architects prouve qu’il est bien au dessus de tout le reste et, bien qu’on puisse ne pas aimer sa ligne artistique, il est aisé de se rendre compte d’à quel point le niveau de ce groupe atteint des sommets. Une réussite.

Informations

Label : Epitaph Records
Date de sortie : 27/05/2016
Site web : www.architectsofficial.com

Notre sélection

  • Gone With The Wind
  • Gravity
  • Nihilist

Note RUL

3.5/5

Ecouter l’album

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN