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Rock is dead… et c’est pas plus mal !

Il existe depuis de nombreuses années un débat assez implicite, que personne n’exprime vraiment, mais qui trotte dans la tête de tout le monde : est-ce que le rock est mort ?

Pour répondre à cette question, qui plus est sur un site appelé “RockUrLife”, il faut définir quel est ce “rock” dont cette maxime pessimiste parle. Musicalement, d’abord, on repère facilement les instruments et compositions typiques du genre, avec au premier plan des guitares incisives, et une voix qui peut à la fois montrer un dédain certain, hurler, ou faire pleurer. Mais au delà de la technique pure, on parle bien ici du rock qui conteste, qui choque, celui qui est subversif et qui ne fait pas de concession. Sans pour autant être punk, hardcore ou metal, qui en sont des dérivés.

Le rock serait donc à la fois un style et un message en soi. Il est unique, authentique, et ne va pas s’acoquiner avec d’autres genres. Et c’est précisément en ce sens que l’on peut l’affirmer : le rock est mort. Et bien que cette annonce funeste ait une certaine gueule, ce n’est peut être pas une si mauvaise nouvelle pour autant.

– Un nouveau monde

Car si aujourd’hui ce “rock” tel que décrit plus tôt ne refait pas surface, c’est que le contexte est totalement différent. Le monde a changé, depuis quinze ans, et de manière drastique. Que ce soit concernant l’actualité ou la culture, en moins d’une heure, une personne peut entendre tout et son contraire grâce aux médias, à Internet. Et ça se répercute forcément sur ce qui est créé aujourd’hui. Mais le (bon) revers de la médaille, c’est que cette hypercommunication permet un partage des savoirs et des cultures jamais vus auparavant.

On se plaint de plus en plus que les groupes estampillés “rock” d’aujourd’hui ne soient pas en adéquation avec l’idée globale que l’on se fait du rock, du vrai. En vérité, c’est simplement que le style a évolué avec son époque, et que cette dernière lui permet d’aller piocher des idées partout où c’est possible. De porter la création à un autre niveau. Le rock s’éloigne donc du cliché perfecto/guitares (c’est d’ailleurs le cas de beaucoup de styles musicaux, et les frontières entre les genres s’effacent de plus en plus). Il est aujourd’hui influencé par tout ce qui l’entoure.

Certains s’offusquent de déceler des éléments urbains dans le rock, mais on crie au génie lorsqu’un album de rap est enregistré avec de “vrais” musiciens. Une affaire de puristes ? De gens qui n’aiment pas les machines ? Ce sont sûrement les mêmes qui auraient descendu Bob Dylan lorsqu’il a décidé de brancher sa guitare électrique.

Le problème du saint temple du rock, c’est qu’il est aujourd’hui gardé par des gardiens d’un certain âge qui, comme la majorité d’entre nous, ont du mal à laisser filer leur jeunesse, et qui dénigrent souvent ce qui est nouveau. Il n’est pas compliqué de prouver qu’il y avait déjà dans les années 60, 70, 80, beaucoup de personnes qui clamaient déjà le fameux “c’était mieux avant”.

– Le problème de l’industrie musicale

Le problème soulevé par le lobby du “le rock est mort” est surtout le fait que la révolte ne vient plus de cette musique. Que la musique qui conteste ou dénonce ne fait plus les gros titres. Mais si ce rock là est mort, les musiciens, les artistes eux-mêmes sont bien les derniers à blâmer.

Car comment peut-on envisager de faire revivre le rock, la musique qui dénonce, quand la majorité de ce qui est servi sur les radios et télévisions aujourd’hui est contrôlé par l’industrie musicale ? Et précisons-le : on parle bien d’industrie du divertissement musical, bien loin de l’art musical en tant que tel. Car les “artistes” mis en avant aujourd’hui le sont pour leur valeur commerciale, en tant que produits, et non pour l’intérêt de leurs créations.

La révolte est tuée dans l’oeuf car elle ne fait pas vendre. C’est le “choc” qui est mis en avant, à grands coups de tubes chantés par des popstars hypersexualisées. Et peu importe le message derrière. Et pour provoquer ce choc vendeur, aujourd’hui, il faut certes aller à l’encontre de la morale, mais surtout ne pas se révolter, ne pas dénoncer ce système de divertissement au risque d’en être éjecté et de dire adieu à son succès. Autant de facteurs qui rendent donc impossible un retour au premier plan du rock comme on l’entend.

Que le rock soit mort est donc finalement une chose positive, car le “vrai” rock, originel, et désormais anachronique. Peut-on honnêtement se plaindre de l’échange culturel massif que traduit l’apparition de nouveaux instruments ? Non. Et peut-on se plaindre de ne plus voir le rock sur le devant de la scène, comme musique dominante ? Imaginez si le rock était utilisé par l’industrie du divertissement comme le sont les popstars d’aujourd’hui ! On y échappe, et c’est tant mieux.

– Et maintenant ?

Alors oui, si on part de la définition du “rock” comme on l’entendait il y a quelques décennies, le rock est mort. Cela ne veut pas dire que le “nouveau” rock, celui d’aujourd’hui, n’a pas de beaux jours devant lui ! Car si on le trouve aujourd’hui aseptisé, ou glissant trop vite vers d’autres styles, c’est pourtant toujours celui qui rassemble le plus. Dans les salles, et dans les coeurs. Et s’il a l’intelligence d’enrichir son catalogue d’influences en allant piocher dans les styles qui émergent aujourd’hui, on peut se targuer de vivre une époque de richesse artistique incroyable ! Il suffit de dépasser ce que les grosses maisons de disque nous proposent. Une richesse partagée, notamment grâce au web.

Mais c’est surtout cette question d’unité qu’il est important de souligner. A la vue des derniers événements, la jeunesse n’a plus besoin d’un rock pur et dur pour s’unir. Alors qu’elle le fasse sur un fond de Damien Saez, ou sur du Nekfeu, elle le fait, et c’est ce qui compte. Car un beau jour, cette jeunesse prendra la place des gardiens du temple. Et tant qu’il y a de la révolte quelque part, c’est l’essentiel, non ?

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN