
En avril 2021, Mark Hoppus révélait (accidentellement) au monde être atteint d’un lymphome à un stade avancé. Une annonce brutale qui a touché des millions de fans de blink-182, tant le bassiste-chanteur incarne l’éternelle insouciance du pop punk californien. C’est au cœur de son combat contre la maladie que naît Fahrenheit-182: A Memoir, publié en avril 2025. Le livre est le journal de bord d’une vie faite de blagues potaches, de rivalités complexes, de succès planétaires, mais aussi de troubles psychiques, de solitude et de résilience.
Avec l’aide du journaliste Dan Ozzi (Sellout), Mark Hoppus livre un récit sincère et souvent hilarant qui traverse plus de trois décennies de culture alternative. Retour détaillé sur ce témoignage à la fois rock n’roll et profondément humain.
Une enfance entre désert et disques punk
Hoppus grandit à Ridgecrest, au cœur du désert du Mojave. Le divorce de ses parents lorsqu’il a huit ans marque profondément son enfance. Il devient ce qu’il appelle un latchkey kid, un enfant livré à lui-même, découvrant la musique via des cassettes de punk rock, The Cure ou encore The Smiths. Le skate, la musique, les bandes de copains : tout concourt à forger un adolescent à la fois marginal et créatif.
Il raconte notamment comment son premier groupe de lycée, Of All Things, s’effondre piteusement lors de concerts dans des parkings ou des fêtes ratées. Le ton est donné : Mark a toujours été plus à l’aise avec l’autodérision qu’avec les récits héroïques.
La formation de blink-182
La rencontre fondatrice avec Tom DeLonge via sa sœur Anne est racontée avec tendresse et humour. Très vite, la complicité entre Hoppus et DeLonge explose : blagues scabreuses, obsession pour le pipi-caca, mais surtout une alchimie musicale immédiate. Cette relation compliquée où s’entremêlent complicité, rivalité et incompréhensions est au cœur de l’ouvrage. Mark Hoppus raconte un coup de foudre un amical, une complémentarité évidente entre deux personnes dont le premier bœuf va donner “Carousel”.
Avec beaucoup de recul, l’artiste revient sur les premiers moments du groupe. Sur le rôle moteur de Tom DeLonge qui avait une ambition plus forte que celle des autres. Il revient sur les premières tournées, les rencontres avec l’écosystème punk rock de l’époque, notamment Pennywise et NOFX. ce qui touche c’est cette capacité à se remettre en question, à associer des musiques avec chaque moment fort de sa vie. Hoppus casse au passage certains mythes : non, le “182” n’a pas de signification cachée. Il s’agissait d’un nombre choisi au hasard.
Succès fulgurant, conflits internes et rivalités punk
La rencontre avec Travis Barker amène à l’explosion mondiale d’Enema Of The State en 1999. Le passage dans American Pie et surtout le tube “All The Small Things” qui reste le plus gros succès du groupe. C’est avec humour qu’il retrace la réalisation des clips de “What’s My Age Again?” et de “All The Small Things” dont le concept parodique lui semble incompréhensible.
Il relate l’euphorie mais aussi les tensions qui naissent du succès. Les points de vues des uns et des autres sont étalés, et il semble que le deuil de certaines parties de l’histoire a été fait. Le californien partage notamment l’envers du décor du Pop Disaster Tour en 2002, qui voyait blink-182 co-headliner avec Green Day. La rivalité entre les deux groupes déborde alors des loges :
“On se hurlait dessus, on s’évitait dans les coulisses. C’était absurde mais c’était punk.”

Les retours sur le Warped Tour, les passages à TRL, l’importance de MTV. Difficile de pas se sentir submergé par une vague de nostalgie d’une époque révolue. C’est une sorte de mini voyage dans le temps que Mark propose. Il relate la déception du duo lorsque le label n’est pas emballé par les compositions de Take Off Your Pants And Jackets. Ce qui donne la composition rapide de “The Rock Show” par Mark et “First Date” par Tom. L’improbable épopée artistique pour l’album blink-182 marque la fin d’une époque et l’aboutissement d’un projet dont le son n’a jamais été aussi bon que sur ce disque.
Une amitié intense et complexe
Les relations avec Tom DeLonge continuent de prendre le dessus sur l’histoire racontée. Les deux anciens meilleurs amis ne se comprennent plus. S’ils ont des situations familiales très similaires, chacun nourrit des ambitions et relations différentes vis-à-vis du groupe. La communication devient vite impossible et l’implosion est imminente. Mark revient sur ses sentiments lorsque Tom lance ses projets parallèles : Box Car Racer puis Angels & Airwaves. Hoppus livre son ressenti de l’époque et sa vision de maintenant.
“Tom n’est pas le méchant de l’histoire. C’est mon meilleur ami, même quand on se déteste.”
La complexité de la relation n’est pas complètement analysée. Elle reste survolée, comme s’il ne fallait vexer l’autre ou trop essayer de remuer une blessure qui semble aujourd’hui refermée. La relation entre Mark et Travis n’est pas trop fournie non plus. Le duo apparaît comme très proche mais il n’y a pas non plus la même entente fusionnelle qu’entre Mark et Tom.

Hoppus raconte un enchainement de tragédies, avec l’accident d’avion de Travis, la mort de leur producteur Jerry Finn, mais aussi la mort d’une binôme de plongée occasionnelle. Un cumul d’évènements sombres, et une reformation ratée du groupe qui se solde par une dépression et un constat. Blink-182 peut continuer sans Tom. C’est le début de l’aventure avec Matt Skiba.

Les troubles invisibles, la dépression et le cancer
L’un des axes narratifs du mémoire tourne autour de la santé mentale de Mark Hoppus avant de passer à sa santé physique. En effet, le bassiste souffre d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC) diagnostiqué en 2008. Il évoque des rituels absurdes devenus envahissants, comme l’impossibilité de se doucher durant toute une tournée, ou l’obsession maladive de se laver les mains. Il raconte même sa rencontre ratée avec son idole Paul McCartney pour une histoire de germes. Un trouble que ses proches prenaient parfois pour des bizarreries d’artiste, mais qui cache un mal bien plus profond.
Il raconte également ses moments de solitude, de perdition avec beaucoup d’honnêteté. Et ce malgré une vie familiale très heureuse. Il ne tarit pas d’éloges sur son mariage avec Skye Everly, et son amour pour son fils Jack, qui lui a servi de repère pendant ses pires moments. La partie la plus émotive du livre reste son combat contre le cancer. Diagnostiqué à un stade avancé, Hoppus confie avoir sérieusement pensé à en finir, convaincu qu’il n’y survivrait pas :
“Je pensais mourir, et cette pensée avait quelque chose de libérateur.”
Il décrit avec précision les effets dévastateurs de la chimiothérapie : perte de mémoire, brouillard mental, fatigue extrême. C’est durant cette période qu’il commence à écrire, poussé par son entourage et sa psychologue. Et anecdote improbable, la photo ci-dessous avec l’annonce de son cancer n’était pas intentionnelle. Une simple erreur de manipulation a laissé savoir au monde entier qu’il allait mal.
Une histoire qui finit bien
C’est aussi à ce moment là que Tom revient dans son quotidien. Dès le diagnostic posé, il a été présent chaque jour pour apporter son soutien à son ami de toujours. Car le livre est avant tout une histoire qui se termine bien. Tom, Mark et Travis retrouvent le chemin du studio et des shows sold out. Ils retrouvent surtout la complicité de leurs débuts. Et c’est exactement ce que tout fan veut lire. Qu’à travers les épreuves, chacun a appris l’importance de l’autre et le besoin de communiquer.

Fahrenheit-182 est bien plus qu’une autobiographie de rockstar. C’est un récit d’apprentissage, de pertes, de victoires et de reconstructions. Hoppus n’y cache rien : ni la gloire, ni les amitiés fracassées, ni ses propres démons. À travers l’humour qui l’a toujours défini, il livre un témoignage sincère et inspirant sur la vulnérabilité masculine, la santé mentale et la résilience face à la maladie.