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Cover Story #7 : Santana – Abraxas

Cette semaine, Kaithleen pénètre dans l’univers hautement symbolique de l’album Abraxas de Santana, sorti en 1970 et réalisé par l’illustrateur allemand Mati Klarwein.

L’album

En pleine période du psychédélisme, entre le festival Woodstock, le mouvement hippie et le rock psychédélique, le deuxième album de Santana, intitulé Abraxas, fait mouche. Abraxas reste classé numéro un pendant près de six semaines et est certifié cinq fois disque de platine aux États-Unis. Grandement influencé par Miles Davis (même jusqu’à dans la pochette !), le titre du disque est issu d’un passage du roman initiatique Demian (1919) de l’auteur allemand Hermann Hesse, qui raconte l’histoire de la jeunesse du personnage Émile Sinclair, dont voici l’extrait : “We called it mother, called it whore and slut, called it our beloved, called it Abraxas“.

Santana, Abraxas, 1970

L’artiste

Mati Klarwein est un illustrateur d’origine allemande. Avec sa famille, il s’installe à Paris au début des années 1950 et suit une formation aux Beaux-Arts de Paris, où il se forme aux côtés du peintre Fernand Léger. Klarwein a également beaucoup voyagé à travers le monde, notamment au Tibet, en Inde, en Indonésie, en Afrique Du Nord et aux États-Unis. Une ouverture sur le monde qui peut expliquer les multiples influences de son art que l’on connaît aujourd’hui. En 1960, il s’installe à New York où il rencontre Jimi Hendrix et de nombreux musiciens de cette période, dont Carlos Santana. Klarwein rencontre également à New York son mentor artistique, Salvador Dali, qui sera l’une de ses influences esthétiques principales. De fait, l’art de Mati Klarwein a plusieurs racines, comme le surréalisme, l’orientalisme, la pop culture ou encore l’iconographie religieuse occidentale. L’artiste s’inscrit dans le paysage esthétique du psychédélisme, répondant au mouvement hippie. En tant que mouvement de contre-culture, le psychédélisme repose sur l’exploration sensorielle et psychique dans un contexte artistique comme les arts visuels, la musique ou encore la mode, souvent induite par des produits psychotropes. Le psychédélisme atteint son sommet à la fin des années 1960 avec le rock psychédélique tel que Jimi Hendrix, Grateful Dead ou encore Pink Floyd, mais également à travers les affiches de concerts ou les couvertures d’albums.


La cover

L’artwork de Abraxas est en réalité un détail de l’œuvre de Klarwein intitulée L’Annonciation (1962). Klarwein explique dans l’ouvrage Collected Works 1959-1975 (1990) que Carlos Santana aurait croisé une reproduction de l’œuvre dans un magazine et l’aurait contacté pour qu’elle devienne l’illustration de l’album Abraxas. Il déclare : “I saw the album pinned to the wall in a shaman’s mud hut in Niger and inside a Rastafarian’s ganja hauling truck in Jamaica. I was in good global company, muchísimas gracias, Carlito!“. La composition n’a alors pas été créée spécialement pour Abraxas.

Mati Klarwein, L’Annonciation, 1962

Mati Klarwein réalise alors une interprétation moderne, voire provocante, du sujet de L’Annonciation. Thème traditionnel de l’iconographie religieuse, il s’agit du moment où l’Ange Gabriel annonce à la Vierge Marie qu’elle porte le fils de Dieu. C’est une iconographie privilégiée des peintres de l’époque moderne en Occident, que l’on retrouve notamment chez Léonard De Vinci ou encore Le Greco, pour ne citer qu’eux.

Léonard de Vinci, L’Annonciation, 1472-1475, Huile et détrempe sur bois, 98 x 217 cm, Galerie des Offices, Florence
Le Greco, L’Annonciation, 1596-1600, Huile sur toile, 113 x 65 cm, Musée Des Beaux-Arts, Bilbao

Klarwein représente, d’une part, une Marie noire et dénudée, ainsi qu’un Ange Gabriel tatoué, à califourchon sur un conga, un instrument cubain. Il pointe du doigt un motif, Aleph, qui est la première lettre de l’alphabet hébreu et qui signifie “commencement“. Les Rois Mages, quant à eux, sont incarnés par des danseurs en compagnie de l’artiste représenté avec des lunettes dans la partie gauche de la composition, coupée dans la version cover de Abraxas.

Le personnage féminin au centre de l’œuvre semble faire référence au morceau “Black Magic Woman” (reprise de Fleetwood Mac), l’un des gros succès de l’album. Toujours à propos de ce personnage, la “Black Magic Woman” est un motif récurrent dans les travaux que Mati Klarwein réalise avec d’autres musiciens tels que Miles Davis, Reuben Wilson ou encore Earth Wind And Fire. L’Annonciation de Mati Klarwein est manifestement une œuvre remplie de symboles qui n’a définitivement pas fini de dévoiler tous ses secrets. Une lithographie de la cover est notamment conservée au Museum Of Modern Art de New York dans le département Architecture et Design.

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Kaithleen Touplain
Historienne de l'art et passionnée de musique rock à mes heures perdues.