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Cover Story #14 : Saez – J’Accuse

Réputé pour sa subversion du discours, Damien Saez a véritablement jeté un coup de pied dans la fourmilière en 2010 lors de la sortie de J’Accuse. Titre choc et clin d’œil à Emile Zola, Saez s’associe au photographe Jean-Baptiste Mondino pour la pochette de son sixième album studio. Une collaboration qui a soulevé beaucoup de débats sur la liberté d’expression et la censure de l’artiste.

L’album

Comme toute la discographie de Saez, J’Accuse n’a pas fait profil bas. Se voulant être une critique de la société de consommation, Saez dénonce à travers son propre prisme les dysfonctionnements de notre société. Nous vous invitons à redécouvrir ces titres cultes qui sont encore, quatorze ans après, terriblement actuels. Niveau charts, le disque se hisse tout de même à la troisième place en France dès sa sortie.

L’artiste

Jean-Baptiste Mondino est photographe et réalisateur de clips français. Il a notamment collaboré avec Alain Bashung, Vanessa Paradis, Axel Bauer et à l’international avec Madonna, Björk ou encore David Bowie. En 2015, dans une interview pour France Inter, Mondino révèle que les pochettes de disque ont joué un rôle important dans la construction de sa culture visuelle et artistique. Discret dans les médias, Jean-Baptiste Mondino est un vrai acteur de l’ombre de la pop culture. Le corps féminin adopte une place tout à fait particulière dans la démarche artistique de Mondino.


Il œuvre notamment pour des magazines de mode comme Vogue. Parmi ses références, il cite souvent Erwin Blumenfeld, photographe pour Vogue (entre autres). À la vue de quelques clichés de Blumenfeld, on comprend tout de suite cette analogie presque évidente avec la couverture de J’Accuse.


Dans la photographie de mode, le corps occupe une place toute particulière. Il est le support pour la mise en valeur du vêtement mais peut, dans le cas de la photographie de mode éditoriale, devenir un élément graphique de la composition. La photographie de mode éditoriale se détache de la pratique photographique en studio qui a pour seul but de sublimer le vêtement. Souvent, ces images accompagnent un article rédactionnel plus vaste et se combinent avec du texte pour narrer une histoire plus riche. Contrairement à la mise en valeur des vêtements, les photographes se concentrent davantage sur la création d’une atmosphère ou la mise en scène d’une situation, se rapprochant parfois de la photographie artistique.

La cover


L’univers subversif de Saez se construit par ses textes mais également les images qui leur sont associées. La couverture de J’Accuse en est un très bon exemple compte tenu des réactions qu’elle a suscitées. Le cliché représente le mannequin Jennifer Lamiraqui nue avec des talons aiguille dans un caddie de supermarché, prête à se présenter en caisse. Cette image participe à dénoncer la société de consommation personnifiée ici par le caddie de supermarché et pour aller plus loin, le rapport au corps de la femme dans la publicité. Pour Saez, la pochette de disque est une extension de son discours musical (comme les photographies de mode éditoriale) étant donné que l’artiste refuse d’avoir recours à la publicité dans les médias traditionnels. L’ironie du sort c’est que cette image a été censurée par les services de transports parisiens refusant de l’afficher dans les couloirs du métro pour sa promotion de tournée des Zéniths, invoquant une raison quelque peu curieuse : “dégradante pour l’image de la femme“. La réponse de Saez à cette censure est sans appel : “Je n’ai pas la sensation que les couloirs de métro m’aient attendu pour dégrader l’image de la femme. Avec le “J’accuse” dessus il n’y avait pas de doute possible. Il s’agissait d’utiliser la pub pour lutter contre la pub.

L’artiste a d’ailleurs préparé une seconde affiche, qui elle aussi a été refusée.


Cette affaire de censure pose encore beaucoup de questions autour de la liberté d’expression des artistes, faisant renaître cet éternel débat du politiquement correct dans l’espace public. Est-ce que la femme nue de J’Accuse ne sera-t-elle pas, finalement, le symbole de toutes les obscénités de notre société actuelle ? La question reste ouverte.

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Kaithleen Touplain
Historienne de l'art et passionnée de musique rock à mes heures perdues.