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Cover Story #10 : Green Day – Saviors

À l’occasion de la sortie du nouvel album du trio punk rock américain Green Day, Kaithleen retrace l’histoire de la pochette de Saviors. Derrière le regard de cet enfant en pleine émeute, il y a un photographe : Chris Steele-Perkins. Son travail de photoreportage place cette série de photographies entre l’œuvre et le document historique.

L’album

Saviors est le quatorzième album de Green Day. Cet ensemble est lourd de sens dans la carrière du trio californien car il survient lors d’une année anniversaire : les vingt ans de l’album American Idiot (2004) et les trente ans de l’album Dookie (1994). De plus, Saviors est produit par Rob Cavallo, qui était déjà aux commandes pour ces deux précédents disques. Tous les ingrédients sont réunis pour proposer un projet artistique abouti signé Green Day, un son reconnaissable entre mille, une bonne dose de revendication politique et un soupçon de nostalgie.

L’artiste

Chris Steele-Perkins est un photographe britannique membre de Magnum Photos, une coopérative photographique internationale basée à New York. Steele-Perkins est connu pour sa pratique du photoreportage en noir et blanc, même s’il connaît une période de photographie conceptuelle aux côtés de Mark Edwards. Sa carrière photographique s’articule autour de l’urbanité et notamment de la pauvreté. Chris Steele-Perkins a photographié l’Afrique, l’Afghanistan ou encore le Bangladesh en suivant des organisations humanitaires à l’œuvre. Il a d’ailleurs remporté plusieurs prix de photojournalisme tout au long de sa carrière.


C’est en 1975 que Chris Steele-Perkins s’investit dans le projet Exit Photography Group avec Nicholas Battye et Paul Trevor pour documenter l’état de la pauvreté en Grande-Bretagne. Le groupe de photographes s’est rendu dans plusieurs centres urbains tels que Glasgow, Londres, Middlesbrough, Newcastle et Belfast. Au cours de ce projet photographique d’envergure, les trois photographes ont produit trente mille photographies et plusieurs entretiens enregistrés en six années. Le fruit de ce travail documentaire est publié en 1982 dans l’ouvrage Survival Programmes.


La cover

L’artwork utilisé par Green Day pour Saviors est issu du projet photographique de l’Exit Photography Group en Grande-Bretagne. Capturée par l’objectif de Chris Steele-Perkins à Belfast en Irlande, on observe un jeune garçon pris sur le vif, une pierre à la main, avec au second plan la violence des émeutes et un feu en pleine rue. D’ailleurs, deux versions de cette photo existent à très peu de temps d’intervalle et permettent de constater qu’il ne s’agit pas de la voiture qui brûle, mais bien d’un tas de débris au sol. La photographie sélectionnée pour l’album Saviors a cependant légèrement été retouchée par rapport à l’originale. Le regard de l’enfant a été modifié pour qu’il soit plus ouvert, avec les yeux plus larges.


À Belfast, en 1978, la guerre civile fait rage entre les nationalistes catholiques et les protestants, générant un climat difficile pour les populations. Cet épisode sombre de l’histoire irlandaise a d’ailleurs été traité par le groupe U2 dans le titre “Sunday Bloody Sunday”.

Steele-Perkins avait comme démarche de photographier la vie des populations sous ses différentes facettes; non seulement les émeutes et l’occupation militaire, mais également les loisirs et divertissements, les infrastructures ou encore les petites habitudes des Belfastois. C’est cette volonté de capturer la simplicité entre la violence et l’innocence du quotidien qui donne cette couleur si singulière aux photographies de l’artiste. Les photos qu’il réalise des enfants de Belfast restent les plus touchantes.

En 2008, Chris Steele-Perkins est retourné à Belfast pour photographier et interviewer certaines des personnes qu’il avait rencontrées trente ans plus tôt dans le but d’étoffer son projet documentaire. À ce propos, il déclare au journal The Guardian : “Je n’étais pas là pour illustrer une thèse mais pour entrer dans l’inconnu, interagir et répondre, et essayer de rester honnête“. La série photographique ainsi que l’ajout de 2008 ont été publiés dans un ouvrage intitulé The Trouble.

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Kaithleen Touplain
Historienne de l'art et passionnée de musique rock à mes heures perdues.