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TILL LINDEMANN @ Adidas Arena (20/11/25) 

Probablement l’un des concerts les plus controversés de cette année 2025, Till Lindemann s’est produit ce jeudi 20 novembre à l’Adidas Arena de Paris. Son passage au Hellfest en juin avait déjà suscité de vives réactions, faute de sanctions ou de repositionnement de la part des organisateurs malgré les accusations qui entourent l’artiste. Sur scène, le frontman reste néanmoins fidèle à son esthétique transgressive, poussant la provocation à son paroxysme. RockUrLife revient sur cette soirée pour le moins déroutante.

Aesthetic Perfection

C’est la formation américano-autrichienne AESTHETIC PERFECTION qui ouvre la soirée et prend la température de l’Adidas Arena. Déjà au côté de Lindemann lors de son passage à l’Olympia en 2020, le groupe revient avec sa signature industrielle : riffs mécaniques, pulsations répétitives et refrains percutants dans la veine de Static-X ou Rob Zombie. Par moments, la voix de Daniel Graves rappelle celle de Jay Gordon (Orgy), apportant une touche new wave et alternative au set. Les quatre musiciens s’approprient rapidement la scène et trouvent un public réceptif, bien que la salle ne soit pas encore pleine. En huit titres, ils parviennent à entraîner l’auditoire parisien dans leur univers industriel et volontairement décalé, avant que le décor ne bascule vers l’univers plus macabre du chanteur allemand.

Till Lindemann

Avant d’aborder le concert en lui-même, il paraît essentiel et important de revenir sur les accusations qui entourent TILL LINDEMANN afin de mieux saisir le caractère à la fois dérangeant et sombre de sa performance. En 2023, plusieurs témoignages l’accusent d’agressions sexuelles, incluant l’usage présumé de substances destinées à influencer le consentement des victimes. Malgré la gravité de ces allégations, le parquet de Berlin a classé l’enquête sans suite, estimant que les preuves étaient insuffisantes pour engager des poursuites pénales. Cela n’enlève rien au poids ni à la gravité des accusations portées contre lui. Depuis, Lindemann a repris ses activités musicales, tant avec Rammstein qu’avec son projet solo, qui continue d’attirer un large public malgré la controverse.

C’est avec une froideur et une précision allemande que Till Lindemann prend possession de la scène parisienne. Cette tournée lui offre l’occasion de mettre en avant le projet développé avec Peter Tägtgren (Hypocrisy, Pain) sous le nom Lindemann, tout en promouvant la réédition de son album Zunge, enrichi de titres inédits. La setlist mêle habilement anciens titres et nouveautés, offrant un panorama complet de son univers solo.

Provocation, pornographie et paroxysme

Comme déjà évoqué, tout dans ce concert vise à choquer, déranger et perturber. Il suffisait d’ailleurs de jeter un œil au billet, marqué “Concert interdit aux mineurs de moins de 18 ans“, pour s’en douter. Si la performance en festival jouait déjà de la provocation, elle parait édulcorée comparée au show en salle, où l’obscénité ne connaît aucune limite. Même si la majorité des paroles sont chantées en allemand, les visuels, explicites et grotesques, suffisent à transmettre les fantasmes les plus sombres du musicien.

Sur des morceaux comme “Golden Shower”, “Sport Frei” ou “Skills In Pills”, il est presque impossible de garder les yeux fixés sur les écrans tant les images sont sexualisées et volontairement provocantes. La frontière entre expression artistique et simple mauvais goût devient presque impossible à situer, tant les projections plongent le spectateur dans les recoins les plus extrêmes de la sexualité. Tout est poussé à outrance, jusqu’à l’excès.

Ce qui est particulièrement gênant, c’est que seules les femmes sont hypersexualisées et présentées comme des objets de désir. L’audience, majoritairement masculine, semble, d’après certaines réactions, apprécier ces visuels à caractère pornographique. Cette sexualisation ne se limite pas aux écrans. Elle s’étend sur scène où les musiciennes et danseuses accompagnant Lindemann évoluent dans des tenues très suggestives qui, plutôt que de transmettre un sentiment d’empowerment, renvoient une image d’objectification. Aucun visuel ou mise en scène équivalente ne met en avant des hommes dans ce type de posture, ce qui accentue le malaise, surtout au regard des accusations qui pèsent sur le frontman.

Du grotesque millimétré

Si l’on essaie de prendre du recul et d’aborder ce concert d’un point de vue musical, ce qui peut sembler assez difficile, on remarque que la performance est chirurgicale et exécutée avec la rigueur caractéristique des concerts de Rammstein. Les chansons sont accrocheuses et les musiciens les interprètent avec une précision remarquable. Un petit bémol pour le son, qui n’était pas au mieux au début du concert, mais qui s’est amélioré par la suite. Les versions live des morceaux mettent parfaitement en valeur la puissance et l’identité industrielle du projet.

Au-delà du caractère choquant de la scénographie, il est impossible de passer sous silence les plateformes qui mettent tour à tour chaque musicien en valeur, les rendant visibles de tous. Pour créer du lien avec son public, Till Lindemann s’avance au cœur de la foule dans une bulle gonflable lors du morceau “Platz Eins”. Ce geste constitue le seul véritable moment de proximité avec ses fans.

Fidèle à ses habitudes, le show réserve son lot de surprises. Sur “Allesfresser”, chanson où le groupe lance habituellement gâteaux et tartes à la crème sur le public, le public parisien est épargné et arrosé de champagne à la place. Puis, sur “Fish On”, des poissons – plus ou moins frais – sont envoyés dans la foule et, pour plus d’effet, projetés à l’aide d’une catapulte… un véritable festin, même s’il reste un peu déroutant.

Malgré une setlist de 18 chansons, le concert se termine à 22h15, et le temps semble avoir filé en un clin d’œil. Tout est calculé et millimétré, jusque dans les derniers instants. Le groupe remercie le public de façon solennelle, dans un ton froid, sans chercher à créer de lien, marquant une frontière nette entre scène et spectateurs. Dans l’ensemble, le set est parfaitement mené : les morceaux sont efficaces et certains moments sont teintés d’humour noir. Pourtant, la prestation soulève des questions et peut susciter un malaise. En quittant la salle, on sait qu’on ne sort pas indemne de cette expérience, qui pousse le spectateur dans ses retranchements.

Till Lindemann Setlist Adidas Arena, Paris, France 2025, Meine Welt Tour 2025-2026

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Lucie Allet
Tombée dans la marmite du metal dès mon plus jeune âge, je l’aime sous toutes ses formes et j’essaie de transmettre sa passion, sa force et sa sincérité dans mes chroniques.