
Petit groupe deviendra grand ! Après avoir enflammé l’Olympia l’an dernier et écumé les festivals ces dernières années, le groupe de Baltimore franchit un nouveau cap : le Zénith, sa plus grande salle parisienne à ce jour. Devant une salle quasi sold out et déjà surexcitée, Turnstile s’apprête à déclencher une véritable déflagration. Le NEVER ENOUGH TOUR, vitrine de son quatrième album studio, s’annonce comme une célébration totale. Deux premières parties radicalement différentes ouvrent la soirée, mais toutes convergent vers le même objectif : créer un espace de rencontre et de défoulement, où chacun vient lâcher prise dans le respect, peu importe d’où il vient. Communion, partage, énergie brute : voilà ce qu’on retiendra de cette nuit … qu’on vous raconte !
High Vis
Il est près de 19h30 quand le groupe londonien HIGH VIS prend possession de la scène du Zénith. Pour une soirée en trois actes, le public est déjà bien présent et la fosse bien remplie (malgré des contrôles théoriquement stricts pour y accéder). Il faut dire qu’High Vis attire de plus en plus de fans depuis quelques années, et ce soir, la curiosité est palpable. La prestation est à la hauteur de leur réputation : intense, brute et engagée. Niveau scénographie, rien de superflu : un drap en fond de scène avec le logo du groupe, des lumières simples, pour laisser toute la place à la musique et au message.
Avec seulement huit titres pour installer l’ambiance, le groupe frappe fort. La setlist puise largement dans leurs deux albums, et chaque morceau est porté par une énergie qui galvanise la fosse. Graham Sayle ponctue le set d’interventions, parfois pour expliquer le sens des chansons, parfois pour faire passer des messages politiques et sociaux, fidèles à l’ADN du groupe. On retient la puissance de “Walking Wires”, l’intensité de “Mind’s A Lie”, sublimée par la présence d’Ell Murphy en guest et bien sûr “Trauma Bonds”, repris comme un hymne par le public. High Vis ne se contente pas de jouer : il crée un espace de communion où rage et solidarité se mêlent. Et quand le dernier accord résonne, il est déjà temps de laisser la place aux équipes techniques pour préparer la scène du prochain groupe.
The Garden
À peine High Vis a quitté la scène que le Zénith change de visage : les fumées s’intensifient, plongeant la salle dans une atmosphère étrange, presque théâtrale. La fosse se clairseme, le public en profite pour recharger ses verres, fumer une clope ou faire un détour par les toilettes. Sur scène, la sobriété est totale : un micro à droite, une batterie à gauche, et en fond, un tissu frappé du logo du groupe et du bouffon violoniste, visuel associé à Six Desperate Ballads (leur dernier EP). Vers 20h30, une bande sonore résonne : bruits de chaînes, orgue, nappes sombres… Une aura mystérieuse s’installe alors que la scène disparaît sous la fumée. Puis les jumeaux Wyatt et Fletcher Shears de THE GARDEN font leur entrée. L’un, Wyatt, cheveux mi-longs et d’un noir de jais et manteau de cuir, s’empare de la basse et du chant côté droit; l’autre, Fletcher, blond aux cheveux plus longs, prend place derrière la batterie. Dès les premières notes, on comprend qu’on va assister à un set déroutant, résolument ancré dans leur concept Vada Vada, une philosophie anti-conformiste où tout est permis et inventé par les jumeaux. Ici, pas de structures classiques : les morceaux explosent les codes, alternant punk abrasif, rythmiques électro et même des touches hip hop. Les lumières agressives, passant du rouge au vert ou encore au bleu, accentuent le chaos, parfois au détriment de la visibilité.
On entend “Ugly”, leur dernier single rageur, “Ballet”, où Fletcher lâche la batterie pour arpenter la scène au micro, et “Voodoo Luck”, plus ancien mais toujours aussi incisif. Pour les initiés, c’est un voyage audacieux ; pour les néophytes, une expérience déroutante. La preuve : en milieu de set, la fosse se vide un peu, certains quittant la salle, peu convaincus par cette proposition radicale. Les frères parlent peu, se contentant de brèves annonces “We are The Garden from Route 66“. Après leur dernier titre, ils quittent la scène abruptement, sans salut, fidèle à leur esprit anticonformiste.
Turnstile
L’attente semble tellement longue : le groupe n’est programmé qu’à 21h40, une heure tardive qui laisse planer la question de la durée du set. Mais dès que les premières notes de synthé de “Never Enough” résonnent, le Zénith bascule. La salle s’immerge dans une lumière bleue, l’intro instrumentale s’étire pour laisser le temps au groupe de s’installer… puis Brendan Yates entonne les premiers couplets, repris en chœur par une foule déjà en fusion. Quand les instruments explosent, c’est la déflagration : la fosse saute, se bouscule, les verres volent (espérons que ce soit que de la bière !), et les premiers crowd surfings démarrent. Une impression de chaos organisé s’installe et ne quittera plus la soirée. Pour les novices, c’est un choc; pour les habitués, le retour à cette ambiance unique que seul TURNSTILE sait créer.
À la fin du morceau, l’écran géant en fond de scène s’illumine des bandes colorées associées au nouvel album NEVER ENOUGH, symboles des différentes émotions et ambiances sonores explorées. Elles resteront présentes sur les titres suivants : “T.L.C (TURNSTILE LOVE CONNECTION)”, hymne fédérateur qui embrase la salle, suivi de “ENDLESS” et “I CARE”, où les spots reprennent ces couleurs vives (vert, cyan, blanc, rose, rouge, jaune, bleu). Sur “DULL”, les caméras s’activent pour capturer la fosse en mouvement, projetant des images impressionnantes sur l’écran, parfois plus que le groupe lui-même. Un caméraman au cœur du pit et un autre en hauteur offrent des vues spectaculaires de cette marée humaine.
Brendan, fidèle à lui-même, finit torse nu, ponctuant le set de quelques interventions pour remercier le public et inciter aux pogos et circle pits. Les intervalles entre les morceaux sont parfois longues, mais nécessaires pour reprendre son souffle. Après “LIGHT DESIGN”, qui reprend l’esthétique noir et blanc du clip sur l’écran, le groupe plonge dans son répertoire plus ancien : “Drop”, “Real Thing” ou encore “Pushing Me Away” déclenchent une vague de nostalgie chez les fans de la première heure. Ces titres rappellent la puissance brute des débuts, et la fosse répond avec une intensité intacte.
Puis alternant entre nouveautés et classiques, on retient “SOLE”, moment fort où les notes de synthé jouées par Brendan annoncent un drop qui déchaîne la salle. Petite parenthèse avec “CEILING”, joué en bande sonore, plongeant le Zénith dans le noir avant un instant magique : la boule disco suspendue depuis le début s’abaisse enfin pour “SEEIN’ STARS”, transformant la salle en club éphémère. “HOLIDAY” prend la relève, repris à tue-tête par toute l’assemblée, avant le final monumental : “LOOK OUT FOR ME”, morceau long qui s’achève sur une séquence instrumentale électronique hypnotique, comme une respiration avant le rappel.
Le rappel ? Trois titres pour finir en apothéose : “MYSTERY”, “BLACKOUT”, et le désormais incontournable “BIRDS”, hymne fédérateur du dernier disque. Comme à l’accoutumée, de nombreux fans réussissent à monter sur scène pour partager ce moment avec le groupe alors que le reste de la salle, conscient que cette fois, c’est la dernière, donne tout. Alors que le morceau s’achève, Brendan et Daniel Fang descendent saluer le premier rang. Une conclusion parfaite pour une soirée placée sous le signe du partage, de l’inclusion et de l’énergie brute. Avec Turnstile, une chose est sûre : “Turnstile is for everyone“.






