
13 novembre, Paris. Dix ans jour pour jour après les attentats qui ont marqué à jamais le Bataclan, impossible d’entrer à la Salle Pleyel sans une légère appréhension. Mais c’est un tout autre anniversaire, bien plus heureux, que la salle sold out s’apprête à fêter ce soir. Après plus de quinze ans d’absence en France, The Fray revient pour célébrer les vingt ans de How To Save A Life (2005), disque-refuge dont le titre fleuve dépasse aujourd’hui le milliard de streams. RockUrLife y était et vous raconte cette soirée aux fortes effluves de nostalgie adolescente.
St Lundi, le charme à l’anglaise
Avant de replonger dans les années 2000, la soirée s’ouvre en format dépouillé avec ST. LUNDI. Entouré d’un halo orangé, seul avec sa guitare acoustique et son clavier, le Britannique évolue dans un registre singer-songwriter très accessible. Une pop suave et aventureuse, quelque part entre les confidences de Ben Howard et l’élan mélodique de Coldplay. Sans surprise, la setlist fait la part belle à son premier album, The Island (2024). Mais aussi à ses sorties plus récentes, dont le très radiophonique dernier single, “Love You More”. Au milieu du set, il accepte la demande d’un fan et reprend “Iris” des Goo Goo Dolls, clin d’œil parfait au romantisme 2000’s de la soirée. D’abord polie, la Salle Pleyel finit par se laisser apprivoiser jusqu’au clapping final, où St. Lundi dévoile sa facette de véritable performeur.
The Fray, la revanche du piano rock
21h. Quand les lumières se coupent pour THE FRAY, l’ambiance change immédiatement. Dernier passage des Américains en France : 2009, au Bataclan. Autant dire que l’attente, couplée au triste anniversaire du lieu, a créé une véritable effervescence autour de cette date anniversaire. Suite au départ d’Isaac Slade en 2022, Joe King, second membre fondateur du groupe, a repris le poste de frontman. Si les cinq musiciens ont tendance à rester dans leur coin, la performance reste énergique grâce à un son nettement plus rock que sur album. Guitares plus percutantes et claviers surdimensionnés, tout est calibré pour faire exploser le piano rock qui a fait la réputation du groupe. Dès les premiers titres de How To Save A Life, la Salle Pleyel se lève malgré les sièges et les interdictions ! La voix de King, plus rauque que celle de son prédécesseur, donne un relief différent aux classiques sans jamais les trahir.
On s’était donné rendez-vous dans vingt ans
Loin de respecter l’ordre du tracklisting, le set navigue dans l’album phare comme dans un carnet de souvenirs qu’on feuillette au hasard. Les tubes “Look After You” et “Over My Head” arrivent par vagues, avant qu’une seconde partie du set ne soit dédiée à des morceaux plus récents. Un des plus beaux moments survient sur “Vienna”, quand les lumières se resserrent et que quelques notes suspendues installent un silence compact. Point d’orgue, The Fray bouscule son propre mythe : “How To Save A Life” est rallongé par une outro électro du plus bel effet. Preuve que le groupe refuse le statut de jukebox à souvenirs. Juste avant le rappel, “You Found Me” et “Syndicate” rendent hommage au disque éponyme des Américains. Joe King est assurément l’homme de la soirée. Après avoir s’être un copieux bain de foule, le dandy se met à lancer des roses en direction du public !
Chœurs cathartiques et mémoire collective
Après un court rappel, The Fray regagne la scène pour interpréter un inédit, “Songs I’d Rather Not Sing”. Ce nouveau tube est présenté comme un avant-goût d’une tournée européenne, annoncée pour octobre 2026. De quoi rassurer ceux qui n’ont pas envie d’attendre à nouveau une éternité avant de revoir le quintette. Sans jamais verser dans le pathos, la manière dont The Fray habite ses ballades, ces chansons sur la perte, l’impuissance et la résilience, résonne particulièrement fort ce soir. Et quelle meilleure preuve que le final “Never Say Never”, qui encapsule à lui seul la capacité du groupe à produire des mélodies poignantes, chargées d’une mélancolie rare. Chaque bras levé et chaque “don’t let me go” alimentent ce rituel collectif. Un moment suspendu et sincère pour conjurer le passé et (ré)affirmer que les salles de concert restent des lieux de communion.
Pari(s) tenu
En ce 13 novembre, le public était probablement venu chercher autant de souvenirs que de réconfort. Et l’on peut assurément dire que le retour de The Fray a tenu toutes ses promesses. Vingt ans après How To Save A Life et dix ans après la tragédie du Bataclan, ces chansons continuent d’accompagner les fractures et les guérisons d’une génération. Et si personne ne sait vraiment “comment sauver une vie“, The Fray rappelle au moins qu’on peut, l’espace de quelques heures, les faire vibrer ensemble. Bonne nouvelle : octobre prochain n’est pas si loin.

























