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Cover Story #24 : Black Sabbath – Black Sabbath


Il y a 55 ans, quatre blue collars de Birmingham sortent un album qui va changer la musique à jamais. Les chansons marquent les esprits, mais la pochette signée Keith S. McMillan ne passe pas inaperçue non plus. Jugée satanique, trop sombre ou étrange, elle contribue à forger l’identité de Black Sabbath et à définir l’esthétique d’un tout nouveau genre musical.

L’album

Souvent considéré comme le tout premier album de heavy metal, Black Sabbath reste avant tout le premier disque de du groupe dont il tire son nom. À sa sortie, l’album divise : trop simple, trop répétitif ou trop lent pour les critiques. Mais le public, lui, adhère immédiatement : 42 semaines dans le top 10 britannique, 23ᵉ au Billboard 200 et plusieurs millions d’exemplaires vendus. Enregistré en octobre 1969 et publié le vendredi 13 février 1970, l’album propose une expérience inédite à l’époque, avec des riffs saturés, des rythmes lourds et une atmosphère sombre qui saisit dès les premières notes. Plus de cinquante ans plus tard, des titres comme “N.I.B.” ou “Sleeping Village” conservent toute leur puissance et témoignent de l’impact durable de ce disque devenu culte.

L’artiste

L’identité de l’album Black Sabbath doit beaucoup à sa pochette emblématique, créée par Keith Stuart McMillan (1934‑2012), alias Marcus Keef. Il a grandi dans une famille où l’art, la musique et la danse avaient une place importante, ce qui l’a naturellement amené à étudier la photographie au Royal College of Art de Londres. Dans les années 1960, il débute sa carrière dans la photographie pour des magazines comme Vogue, Time Out ou Campaign, tout en réalisant des portraits de personnalités telles que Keith Richards ou John Lennon et Yoko Ono. En parallèle, il se fait également un nom en tant que créateur de pochettes d’albums pour des artistes prestigieux comme David Bowie, Kate Bush, Motörhead et bien sûr Black Sabbath.

La cover


Pour sa première collaboration avec le groupe, Keef propose une photo aux accents surréalistes, inspirée par sa récente découverte du peintre belge René Magritte à la Tate Gallery de Londres. En se laissant guider par l’identité sonore de l’album et l’énergie qu’il dégage, il crée une pochette qui reflète parfaitement l’esprit sombre et mystérieux du disque.

L’originalité de l’image tient en partie à sa technique : la photo a été prise avec un Kodak équipé d’un film infrarouge, qui modifie les couleurs et fait ressortir les tons chauds de ce paysage hors du temps. En jouant sur les contrastes, Keef renforce l’aspect pesant, surréaliste et occulte de sa composition.

Cette vision se traduit dans le décor lui-même : en arrière-plan, on distingue une bâtisse moyenâgeuse au bord d’une étendue d’eau trouble, un moulin du XVIᵉ siècle à Mapledurham, près de la Tamise. Sa façade lugubre et dérangeante crée une ambiance gothique, soutenu par la nature environnante. Les feuilles et les branches dénudées suggèrent que la photo a été prise en plein automne, saison souvent associée au mysticisme et à la mort dans la culture populaire. La lumière orangée du ciel évoque une fin de journée, un moment à la frontière entre le jour et la nuit, entre la vie et la mort, amplifiant le côté ténébreux et onirique de l’image.

Photo du moulin à eau de Mapledruham, dans le comté de Oxfordshire en Angleterre. Photo prise par Chris Wood en 2007.

L’élément le plus énigmatique de cette composition est la figure féminine centrale. Là où les couleurs chaudes du reste de l’image apportent de la douceur, elle attire le regard avec son long manteau noir et son visage pâle. Certains y voient la mannequin londonienne Louisa Livingstone, tandis que d’autres préfèrent imaginer un spectre, apparu au moment de la prise de vue avant de disparaître dans le mystère. Dans tous les cas, cette “Evil Woman” dégage une forte aura surnaturelle. En y regardant de plus près, elle semble tenir quelque chose contre elle, un chat noir ou son manteau, difficile à dire. Cette femme retient un secret obscur et indéchiffrable qui fait d’elle une Mona Lisa gothique, fascinante et légèrement inquiétante.

Avec cette pochette, Black Sabbath pose les bases d’une esthétique ésotérique et étrange qui sera largement reprise par de nombreux artistes par la suite. Les motifs des bâtisses abandonnées, de l’automne et des silhouettes féminines troublantes, continuent d’inspirer les visuels et les paroles de nombreux groupes. Cette influence a contribué à établir une tradition iconographique durable dans le monde du rock et du metal.

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Lucie Allet
Tombée dans la marmite du metal dès mon plus jeune âge, je l’aime sous toutes ses formes et j’essaie de transmettre sa passion, sa force et sa sincérité dans mes chroniques.