“Le rock est un vampire en chaleur et, ce soir, il se délecte de toi“. Cette déclaration fabuleusement excessive est clamée par Patricia Morrison (Sisters Of Mercy, The Gun Club) dans l’introduction du nouvel album de Creeper, le bien nommé Sanguivore II: Mistress Of Death.
Surfant sur le lore créé pour Sanguivore (2023), le groupe de Southampton se réinvente. Désormais, ce sont des rockstars californienne des 80s en plein Satanic Panic. En proie à la Mistress Of Death, bourreau masqué à mi-chemin entre la dominatrice goth et la catcheuse sous stéroïde – et sujet de la magnifique pochette d’album -, le groupe lutte en vain contre l’appel de la tentation et de la mort. Comme dans tout bon sequel, les faders ont été poussés au maximum. Au programme : sexe, sang, riffs, et une théâtralité hilare et grand guignolesque. Bien évidemment, le disque est sorti pour Halloween.
La route du culte
Une fois passée l’étape obligatoire du morceau d’introduction, les hostilités commencent. Annoncé par des chœurs épiques et une guitare lead glorieuse, le morceau éponyme donne le ton d’un opéra goth grandiloquent. Creeper se pâme dans une débauche de riffs glams, de mélodies horrifiques et de solos aiguisés. Le tout est emballé dans une ambiance musicale inspiré des Rocky Horror Picture Show et autres Meat Loaf. Les cinq vampires sont au sommet de leur art, et leur excitation est contagieuse.
Avec peu de temps morts, Sanguivore II s’écoute comme une collection de tubes. “Blood Magick (It’s A Ritual)” invoque Bon Jovi et Belinda Carlisle, “Prey For The Night” jette son dévolu sur Billy Idol, The 69 Eyes et My Chemical Romance. Quant à “Parasite”, c’est un hymne heavy et lubrique (oui, oui) taillé pour les stades. La liste pourrait continuer, tant le disque regorge de dédicaces et d’excès assumés.
Aussi lumineuse que la pleine lune au cœur de la nuit, Hannah Greenwood éclaire littéralement ce nouvel album. Dans une dualité parfaite avec la voix baryton de William Von Ghould, elle incarne la Mistress Of Death et s’impose comme une des forces incontournables des goules anglaises. Pour la première fois, Greenwood prend même le lead sur “Razor Wire”. En véritable succube, sa performance burlesque et hypnotique joue avec les codes de la séduction kitsch façon série-B. Métaphore totale de la tentation, le “fil du rasoir” se fait plus désirable que jamais. C’est un des moments forts incontestables de l’ensemble.
Sex, Drugs & Goth n’Roll
Thématique centrale du disque, la sexualité imprègne tous les aspects de Sanguivore II. Dégoulinant par tous les orifices, le désir apparait crûment dans “Parasite”, hilare dans “Headstones”, ou encore éthéré dans “Daydreaming In The Dark”. “The Black House”, irrésistible gospel gothique explore le tabou de la découverte du désir homosexuel. Visuellement, “Blood Magick (It’s A Ritual)” va jusqu’à mettre en scène Hannah Greenwood en rock star magnétique, héroïne d’une orgie vampire lesbienne à haute altitude. Le merch du groupe n’échappe à la régle et va jusqu’à vendre des vibromasseurs de poche habilement appelés Silver Bullets.
Au delà du sexe qui pénètre dans les moindres détails lyriques, Creeper glisse avec malice easter eggs et clins d’œils à ses héros. Dans “A Shadow Stirs”, Patricia Morrisson des Sisters Of Mercy déclare : “Sometimes going all the way is just the start“. Une citation directe du “I’d Do Anything For Love (But I Won’t Do That)” de Meat Loaf, chanson écrite par Jim Steinman, idole absolue du groupe. “Headstones” pastiche le “Black Metal” de Venom dans son couplet. Dans le solo, c’est un lick du “Aces High” d’Iron Maiden qui vient jouer les caméos. La célèbre talkbox de Mötley Crüe fait également une incursion dans “Parasite”. Moins directs dans leurs références, on peut également entendre les influences de Type O Negative et W.A.S.P., dans “The Crimson Bride” ou encore le “Black Velvet” d’Alannah Miles sur “Razor Wire”.
Un concentré d’inspirations gothiques magnifié par la production de Tom Dalgety. Déjà connu pour son travail avec Ghost, Rammstein, The Cult, Green Lung, Unto Others, ou Tribulation, ce mage noir du rock n’roll, au CV impressionnant, transforme le petit groupe de Southampton en machine de guerre prête à dévorer les plus grandes salles européennes.
Le diable se cache dans les détails
En dehors de la satisfaisante chasse auditive aux caméos, le visuel n’est pas en reste. Un des slogans promotionnel de cette sortie est “It’s only rock n’roll, but tonight it could take your life“. Présent sur les stickers de l’album et sur différents produits dérivés, c’est un hommage direct aux Rolling Stones mais également un des derniers vers de l’ultime titre “Pavor Nocturnus”. Une manière espiègle de découvrir la fin du disque avant même d’en entendre une seule note. “Ce que nous faisons avec ces choses est un peu comme un art secret, et perdu” dit Von Ghould. “Ca n’apporte pas grand chose en dehors de la satisfaction de faire quelque chose de vraiment spécial pour nos fans“.
Mais cet album interroge et certaines questions restent en suspens. La traque de la Mistress Of Death est elle finie ou n’était-ce qu’un rêve ? Que raconte réellement cette histoire ? Une simple pantomime érotique ? Une fable tentatrice ou, peut-être, une réflexion plus profonde sur le feu dévorant de l’industrie musicale sur les groupes ? Au vu de l’engouement autour de l’univers Sanguivore, les vampires anglais vont-ils enfreindre leurs propres règles et rempiler pour un troisième chapitre ? Nous n’avons pas la réponse à ces questions mais une chose est sûre : Avec ce disque de tous les excès, Creeper signe là son album le plus excitant !
Informations
Label : Spinefarm Records
Date de sortie : 31/10/2025
Site web : www.creepercult.com
Notre sélection
- Parasite
- Razor Wire
- Blood Magick (It’s A Ritual)
Note RUL
4/5






