Deez Nutz – Saudade

Cinq ans après You Got Me Fucked Up, Deez Nutz ressurgit avec Saudade, un septième album qui marque une nouvelle ère pour le quatuor australien. Formé à Melbourne autour de JJ Peters, le groupe revient avec une section rythmique renouvelée (Apolinário “Poli” Correia à la basse, Jesse Labovitz à la batterie) et un état d’esprit plus apaisé, presque méditatif. Enregistré au Portugal dans une atmosphère de fraternité et de spontanéité, Saudade traduit le mot portugais qui lui donne son nom : cette nostalgie douce-amère d’un passé qu’on ne peut plus rattraper.

Un feu toujours vivant, mais plus intérieur

Là où Deez Nutz s’était autrefois nourri d’arrogance et de fête sans lendemain, Saudade regarde désormais dans le rétroviseur. Les excès laissent place à l’introspection : la camaraderie n’a pas disparu, mais elle se teinte d’une sincérité nouvelle. Des morceaux comme “ICU” ou “Kill This Shit” rappellent la tension et la rage des débuts, mais avec une gravité en filigrane, presque mélancolique. Ailleurs, “Russian Roulette” ou “Uncut Gems” laissent percer la fragilité derrière la carapace : l’impression d’un groupe qui, sans renier son énergie, choisit de faire parler le vécu plutôt que la pose. Le son, plus lourd, respire davantage – une basse mise en avant, un groove plus dense, et un chant qui gagne en justesse.

La production d’Andrew Neufeld (Comeback Kid) parachève cette évolution. Le Canadien, déjà proche du groupe depuis plusieurs années, insuffle à Saudade une intensité à la fois brute et réfléchie. Sa présence culmine sur “Hang The Hangman”, unique featuring du disque, où son timbre rageur se mêle à celui de JJ Peters dans un dialogue intense. Le morceau incarne à lui seul la rencontre entre deux visions du hardcore : celle, instinctive et directe, de Deez Nutz, et celle, plus émotionnelle, héritée de Comeback Kid.

Entre loyauté et lucidité

Sous ses dehors percutants, Saudade respire la loyauté et la gratitude. L’amitié y devient un fil rouge, une valeur refuge face au passage du temps. Le single “5 Gold Chains”, clippé en animation, résume cet esprit collectif : une ode à la fraternité et à ceux qui sont restés quand tout vacillait. Plus loin, “Miss Me With That” traduit la lassitude d’un groupe revenu de tout sans avoir perdu la foi, tandis que les ombres de “Hang The Hangman” ou “Cold Sweat” viennent rappeler que la nostalgie n’exclut pas la douleur. Ces respirations, entre puissance brute et réflexions lucides, incarnent la maturité nouvelle d’un groupe autrefois enfermé dans ses excès.

Un hardcore de maturité

En s’éloignant des slogans de fête et des provocations, Deez Nutz signe un album de cœur. La nostalgie devient le moteur, la mémoire un carburant : Saudade parle d’amitié, de perte, de ce que le temps emporte sans prévenir. Sans chercher à révolutionner son style, le groupe le réinvestit avec une honnêteté désarmante. Un retour en force donc, à la fois fidèle et transformé : plus sincère, plus solide, plus adulte.