Plus de vingt-cinq ans après ses débuts, Soulfly de Max Cavalera avance sans détour : riffs tranchants, pulsations tribales, colère spirituelle. Avec Chama, le groupe reste fidèle au cadre défini depuis des années. Après Totem (2022), déjà en mode “continuité“, ce treizième album confirme l’orientation : une identité immuable, un efficacité toujours présente, mais peu – voire pas – de prises de risques. Dans la mêlée du metal actuel, la signature Soulfly demeure identifiable en une seconde… et c’est autant sa force que sa limite.
Une colère ritualisée
Chama s’ouvre sur une atmosphère que l’on connaît bien : une tension guerrière, un groove lourd, des riffs au ras du sol. Le groupe déroule son metal tribal avec une précision quasi mécanique. La batterie de Zyon Cavalera garde cette frappe organique et sèche qui ancre le son dans la terre, tandis que Mike Leon apporte une assise basse aussi compacte qu’implacable. On retrouve cette alchimie propre au clan Cavalera – une rage canalisée, qui cogne toujours fort mais sans débordement. La violence est intacte, pourtant la surprise s’est envolée.
L’ensemble respire la maîtrise, mais aussi la lassitude d’une formule qui se répète. Les morceaux s’enchaînent comme des incantations métalliques, parfois percutantes (“Storm The Gates”), parfois plus frontales (“Black Hole Scum”), sans que l’un d’eux ne parvienne vraiment à briser le cercle. L’efficacité est réelle, le plaisir immédiat, mais on reste dans une zone connue : celle d’un Soulfly qui joue à être Soulfly, en mode automatique.
Des invités pour attiser les braises
Sur le papier, la liste des collaborations annonçait des secousses : Todd Jones (“Nihilist”), Gabriel Franco et Ben Cook (“No Pain = No Power”), Michael Amott (“Ghenna”). Dans les faits, ces présences colorent sans transformer.
Jones injecte une rugosité hardcore bien sentie, Franco et Cook un côté hymnique presque old school, et Amott signe un solo brûlant d’intensité. Mais aucune de ces contributions ne dévie le disque de sa trajectoire. Tout s’intègre avec cohérence, mais aussi avec prudence. Chama ne se laisse pas contaminer – il absorbe, digère, et continue son chemin, fidèle à lui-même.
Héritage et inertie
Au fil des titres, un sentiment s’impose : celui d’un disque plus solide que vibrant. Les mantras de “Always Was, Always Will Be…” s’élèvent comme une prière métallique, pesante et répétitive, où l’intention spirituelle prend le pas sur l’inspiration. Comme souvent, “Soulfly XIII” offre un moment suspendu : un interlude instrumental tout en textures et mélodies, presque cinématographique, qui prouve que Max sait encore faire respirer sa musique autrement que par la force brute.
Enfin, “Chama” referme le disque dans un tourbillon de riffs et de percussions : massif, cohérent, représentatif… et finalement symptomatique. Ce morceau, à lui seul, résume l’ensemble – un feu qui brûle fort, mais ne dévore plus.
Un feu connu, sans flamme nouvelle
On ne peut pas reprocher à Soulfly de trahir son ADN : l’album est franc, direct, fidèle à la vision Cavalera. Le son est large, l’exécution est ferme, le trio Max/Zyon/Mike tient la baraque. Mais sur la durée, l’expérience reste linéaire. Les invités apportent du grain, pas un basculement. Les refrains accrochent sur le moment sans devenir des repères durables. On hoche la tête, on prend sa dose d’adrénaline, puis on passe au suivant. Chama se tient, mais ne s’impose jamais.
Chama prolonge avec sincérité la trajectoire de Soulfly, mais n’offre ni surprise, ni titre vraiment imparable. Les fans y trouveront ce qu’ils aiment depuis toujours; celles et ceux qui attendaient une mue, une gifle, un virage… resteront sur leur faim.
Informations
Label : Nuclear Blast
Date de sortie : 24/10/2025
Site web : www.soulfly.com
Notre sélection
- Soulfly XIII
- Chama
- No Pain = No Power
Note RUL
2,5/5







