ChroniquesSlideshow

Tom Odell – A Wonderful Life

Il y a des artistes qui vieillissent comme du vin, et d’autres qui s’aigrissent comme du lait oublié au soleil. Tom Odell, lui, choisit une troisième voie : celle de l’artiste qui refuse de se fossiliser dans son propre succès. Douze ans après “Another Love”, morceau devenu à la fois bénédiction et malédiction, le Britannique sort A Wonderful Life, un album qui refuse l’évidence mélodique et la séduction immédiate. À la place : des chansons cabossées, un son volontairement organique, et des textes qui grattent là où ça fait mal. Odell ne cherche plus à être la voix d’une génération en mal d’émotion : il préfère être le miroir déformant de nos propres fêlures.

Tom Odell, l’imposteur malgré lui

Tom Odell n’a jamais vraiment eu l’air à l’aise dans le costume de popstar qu’on lui a taillé après “Another Love”. Trop fragile, trop écorché, trop humain pour jouer les têtes d’affiche calibrées. Et ça tombe bien : A Wonderful Life est tout sauf calibré. C’est un disque qui sue, qui tremble, qui déborde. On entend les instruments se marcher dessus, les micros capter des frottements, des respirations, comme si on était collé contre la vitre d’un studio où l’urgence prend le dessus sur la perfection. Odell a cessé de vouloir plaire. Il veut simplement exister, entier, quitte à mettre mal à l’aise.

Le vertige de l’intime

Et quel vertige. Dans “Ugly”, il ose articuler les phrases que beaucoup taisent : “You don’t love me / ’cause I’m ugly“. Pas de métaphore, pas de détour. Juste une vérité brutale, jetée au visage. Dans “Can We Just Go Home Now”, il se noie dans un chaos rock qui traduit l’épuisement mental, les guitares cognant comme des crises de panique. À l’inverse, “Strange House” ralentit le temps : une ballade fantomatique, où l’enfance devient une maison trop grande, trop étrangère pour qu’on s’y sente encore chez soi. Et puis il y a “Wonderful Life”, dont le refrain sarcastique résonne comme une blague amère sur un monde qui s’effondre en souriant. Odell n’écrit plus des chansons, il écrit des constats. Ça pique, ça gratte, ça brûle.

Une beauté cabossée

On ne trouvera peut-être pas ici de nouveau “Another Love” à fredonner en festival. Et c’est tant mieux. Car A Wonderful Life refuse le confort des refrains taillés pour TikTok. C’est un album qui s’apprivoise, qui s’écoute les yeux fermés, qui résonne davantage dans les silences que dans les évidences. On pourra le trouver trop sombre, trop rude, trop peu “pop“. Mais justement : il fallait qu’Odell en passe par là pour se débarrasser de l’étiquette de crooner fragile et affirmer sa voix d’auteur complet, cabossé, mais sincère. A Wonderful Life n’est pas un disque qu’on consomme, c’est un disque qu’on traverse. Et quand on en ressort, on n’est plus tout à fait le même.

Avec ce septième album, Tom Odell livre peut-être son œuvre la plus honnête. Ni refuge, ni produit, mais un miroir où se reflètent nos propres failles. Une beauté imparfaite, mais nécessaire.

Informations

Label : UROK / Virgin Records
Date de sortie : 05/09/2025
Site web : www.tomodell.com

Notre sélection

  • Can We Just Go Home Now
  • Ugly
  • Strange House

Note RUL

 4/5

Ecouter l’album

Ecrire un commentaire

Anthony Bé
Fondateur - Rédacteur en chef du webzine RockUrLife