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Hellfest 2025 : L’œil du débutant

Prenant le relais d’un vétéran fort de ses 11 éditions au compteur, place à l’œil du néophyte du groupe. Après quatorze étés passés à écumer les festivals rock en France et en Europe, quel regard porte-t-il sur la découverte de cet événement emblématique ?

Les enseignements musicaux

Des prestations d’une qualité exceptionnelle …

La promesse était belle, elle s’est concrétisée. Dès la publication de la répartition horaire, les nombreuses heures passées à préparer méticuleusement mon planning me donnaient déjà l’eau à la bouche. A l’arrivée, la programmation n’a pas seulement tenu ses promesses : elle les a surpassées.

Parmi les réussites les plus marquantes, Royal Republic, Turnstile, Electric Callboy et Falling In Reverse m’ont particulièrement impressionné par ce mélange de show et d’énergie irrésistible qui fait les grands moments. Il est frappant de constater que les groupes ont pleinement conscience de jouer dans un lieu à part. Qu’il s’agisse des têtes d’affiche ou des formations moins établies, les demandes de photos souvenirs et autres marques d’enthousiasme témoignent d’un plaisir évident de performer à Clisson.

Il faut dire qu’une prestation au Hellfest peut représenter un tournant décisif dans une carrière. Il suffit de voir la popularité acquise par The HU dans nos contrées depuis ses passages précédents. Dans le même esprit, les (pourtant français) de  Rise Of The Northstar ont préféré annuler une occasion de se faire connaître au Danemark pour remplacer Ultra Vomit au pied levé. 

Sur le plan des découvertes, Vola, Slomosa ou Vision Of Atlantis (pour ne citer qu’eux) illustrent parfaitement la politique d’ouverture du festival envers un public à la sensibilité plus rock. Une belle porte d’entrée vers des courants musicaux plus éloignés de mes habitudes.

…malgré certains choix de scène mal jaugés

Quel est le point commun entre la prestation de The Ocean et celle de Sex Pistols feat. Frank Carter ? Aucune idée, étant donnée qu’on retiendra surtout l’impossibilité d’assister à leurs concerts, en raison d’un choix de scène peu judicieux.

On reste dubitatif face à la décision de programmer Heilung sur une Mainstage, alors que les légendes britanniques ont, fort logiquement, attiré une marée de curieux sur la (relativement) modeste scène Warzone. Résultat : de nombreux festivaliers frustrés, contraints de faire demi-tour, faute de place.

Cela dit, ce rendez-vous manqué m’a permis d’être happé, sur le chemin de la sortie, par la fin du set d’In Extremo. Une très belle (et improbable) découverte folk metal… à base de cornemuse. La magie des festivals, tout simplement.

Alors, cette fameuse ambiance Hellfest ?

Fantasmée pendant des années, j’ai enfin pu expérimenter l’ambiance du Hellfest. Et là encore, il y a eu de l’excellent … et quelques déceptions.

Le public, tête d’affiche absolue du festival

Côté satisfaction, difficile de ne pas se réjouir : la majorité des festivaliers sont de véritables passionnés. Ce constat saute aux yeux sur les petites scènes, où même un groupe obscur programmé en début d’après-midi peut rassembler un public nombreux et investi. Mieux encore : même sans connaître la discographie, beaucoup font l’effort de s’impliquer, devenant partie prenante du show. Les supporters du PSG ou de l’OM ont trouvé leurs homologues : ici, c’est Clisson !

Un accueil au top

Au niveau de l’organisation, c’est un sans-faute. Non content d’être très professionnels, l’ensemble du staff s’est distingué par un comportement absolument adorable, du personnel d’accueil jusqu’aux vigiles. J’ai d’ailleurs personnellement voué un culte à la personne préposée au tuyau d’arrosage des Mainstage. Sur ce point, le festival avait fait en sorte que de très nombreux points d’eau et brumisateurs soient disponibles. Par 35 degrés, c’est plus qu’appréciable. La qualité de la restauration m’a toutefois paru un poil surcotée, mais reste très honorable.

Les slams, ce fléau

N’en déplaise aux adeptes de Cyril Féraud ou de Grand Corps Malade, les moments les plus désagréables de ce Hellfest ont été causés par une pratique : le slam. Bien sûr, on ne parle pas ici de quelques slams par-ci, par-là. À l’image du show de A Day To Remember, ils sont même une plus-value en termes d’énergie, lorsqu’ils s’intègrent ponctuellement au show. En revanche, quand cela prend la forme de flots constants, l’immersion de tous est gâchée pour le plaisir de certains. Comme l’exprimait un spectateur au concert de Linkin Park : “On passe plus de temps à regarder derrière que devant.” Comment ne pas être démuni quand un concert, parfois attendu depuis des années (voire des décennies), est gâché par l’impossibilité de s’immerger dans la prestation.

Disons les termes : le slam est l’expression la plus égocentrique d’un individu, qui fait prédominer son intérêt personnel sur celui de centaines de personnes. Un sentiment d’irritation décuplé par le fait de filmer son parcours, qui ajoute une dimension pathétique par ce besoin de validation sur les réseaux. Dès lors, la question est posée : doit-on se résoudre à accepter le triomphe de l’individualisme et du “moi je” dans un événement propice à la communion ? Chacun se fera son avis…

Les choix éditoriaux face aux polémiques

Cela n’aura échappé à personne : cette édition a également été émaillée de nombreuses polémiques. Sans traiter le sujet avec la profondeur et l’exhaustivité nécessaires, on peut néanmoins s’interroger sur deux points.

Est-ce normal que l’auteur de 37 coups de couteau, ayant commis un meurtre homophobe, soit considéré “comme un musicien comme un autre“, quand bien même il a purgé sa peine ?  Face au cas Till Lindemann, qui s’est encore une fois tristement illustré pendant le festival, peut-on considérer, là encore, une cohérence entre la mise en place du dispositif “Hellcare“, visant à lutter contre les comportements inappropriés, et le fait de tolérer un comportement de rabattage (pour ne pas dire prédation) sur les lieux mêmes de son espace VIP ?

On terminera en rapportant une citation inspirante : “Politique de tolérance zéro envers toutes les formes de violences, qu’elles soient sexistes, sexuelles, racistes, homophobes, transphobes ou validistes.” Sa source ? Le site web du Hellfest. Après le clin d’oeil à Slam, on attends désormais celui à Des Paroles et des Actes.

Conclusion

Ce premier Hellfest était donc une superbe expérience, tant musicalement qu’en termes d’ambiance. C’est justement pour cela qu’il serait dommage qu’un événement aussi enthousiasmant sur bien des points laisse un goût amer, par un détachement moral coupable. 

Au même titre que l’on peut rêver à l’idée d’assister à un show de Metallica, on peut tout aussi bien espérer en finir avec cette idée qu’à partir du moment où la musique plaît, “nothing else matters“. Ce très bel événement et sa communauté le mérite.

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