
Muse au Hellfest 2025 : une annonce qui a fait couler beaucoup d’encre dès sa révélation, et encore plus après leur passage à Clisson. Pour la première fois, le festival accueillait une tête d’affiche résolument grand public, issue de la sphère rock alternative, là où dominent habituellement les guitares rugueuses et les voix caverneuses du metal extrême. Entre enthousiasme sincère et rejet viscéral, rares sont ceux qui sont restés indifférents. Alors, ouverture bienvenue ou trahison de l’esprit originel ? Deux regards croisés sur une soirée qui a marqué les esprits.
Pourquoi c’était une bonne idée, par Marion
Oui : une vraie performance pensée pour le Hellfest
Muse reste un immense groupe de scène, avec une discographie riche et audacieuse. Pour leur premier passage à Clisson, ils ont eu l’intelligence d’adapter leur setlist au public du Hellfest. Trois morceaux de Origin Of Symmetry ont été joués, dont les excellents “New Born” et “Citizen Erased”, parfaits pour souligner leur versant plus heavy. Bien au-delà du choix des titres, le groupe a densifié ses arrangements pour rendre les interprétations plus lourdes, plus organiques, plus metal.
Autre clin d’œil bien senti : un riff de “Stranded” de Gojira glissé au milieu du show, en hommage à leurs hôtes français. Visuellement, le spectacle était aussi à la hauteur : original, travaillé, spectaculaire sans être tape-à-l’œil. Quelques effets pyrotechniques bien utilisés sont venus souligner la dimension metal de leur show. Les musiciens se sont donnés à fond, et leur plaisir de jouer ensemble était palpable. Et pour les fans, c’était aussi une occasion rare de voir Muse dans une version plus brute, plus intense. Rien que pour ça, on peut saluer la performance.
Oui, mais : un show plombé par des problèmes techniques
Malheureusement, cette prestation ambitieuse a été en partie gâchée par de gros problèmes de son. Il a fallu attendre “Time Is Running Out” pour enfin entendre clairement la guitare. Avant ça, les riffs étaient quasi inaudibles, un comble pour un concert pensé plus “heavy”. Et quand la guitare apparaissait, c’est parfois la voix de Bellamy qui disparaissait du mix. À ce niveau de production, c’est incompréhensible.
C’est d’autant plus frustrant que Muse avait fait de vrais efforts pour adapter son répertoire. Le nouveau single “Unravelling”, pour lequel le frontman a investi dans une guitare à 8 cordes, aurait pu être un moment fort, montrant une facette plus sombre du groupe. Mais dans ces conditions, l’impact a été sérieusement amoindri. Ce n’était pas un manque d’engagement du groupe, bien au contraire. Juste un gros gâchis technique.
Non : une programmation qui transforme l’esprit du Hellfest, par Geoffrey
Au-delà de la prestation, ce choix de programmation interroge. Faire venir Muse, c’était aussi attirer un public bien différent de celui du Hellfest. Résultat : un festival plus “grand public“, plus bruyant en dehors des concerts, parfois irrespectueux. Sur plusieurs sets, on a entendu des spectateurs discuter plus fort que les musiciens. Le public était aussi plus statique, moins investi (sauf en Warzone, où l’ambiance restait électrique).
Muse peut jouer partout : Rock En Seine, Vieilles Charrues, Main Square… Faut-il vraiment leur donner la tête d’affiche du Hellfest ? Ce festival s’est construit sur une culture underground, une passion sincère, un respect profond de la musique et des artistes. En cherchant à s’ouvrir à tout prix, ne risque-t-on pas de perdre ce qui fait l’âme de Clisson ? Ce n’est pas la faute de Muse, mais ce que révèle leur venue mérite qu’on s’interroge : veut-on un Hellfest pour tout le monde… ou pour ceux qui l’aiment pour ce qu’il est vraiment ?
Un rendez-vous manqué mais qui a toute sa place au Hellfest
Tout d’abord, soyons clairs, je suis de ceux qui pensent que Muse a tout à fait sa place au Hellfest. Les natifs de Teignmouth n’ont certes pas composé que des titres heavy, mais le talent du trio est indéniable et peut regarder droit dans les yeux de très nombreuses formations du week-end. Sans parler de Cypress Hill …
C’est d’ailleurs la quatrième fois que j’assiste à l’un de leurs concerts. Malheureusement, c’est également le pire. Déjà, l’ouverture commençait mal. Alors qu’ils détiennent de formidables atouts pour démarrer sur les chapeaux de roues, dur de faire moins avisé que de débuter par un titre absolument inédit “Unravelling”. Bon, ce n’est que partie remise se dit-on. Mais son successeur, “Stockholm Syndrome”, ne produit pas non plus l’effet escompté.
On se dit alors que quelque chose cloche, car pour le moment, nous rompichâmes … mais moins que l’ingé son. A un moment donné, il faut dire les termes : comment se fait-il que toute une partie de la fosse scande dès la seconde chanson “la guitare, la guitare“, et qu’un professionnel mette UNE HEURE à améliorer les réglages. Les riffs irrésistibles de “Psycho” ou de “Hysteria” ? A la trappe. D’autant plus frustrant que la voix de Matt est également sous-mixée.
C’est d’autant plus rageant que le groupe a fait des efforts sur la setlist. Exit les titres les plus pop de cette tournée (“Starlight”, “Undisclosed Desires”, “Madness”, “Thought Contagion”, “Compliance”) au profit de “Stockholm Syndrome”, “New Born” ou encore “Citizen Erased”. De plus, de nombreux interludes bien heavy sont intégrés (Rage Against The Machine, Gojira, Nirvana, Slipknot) montrant une envie de coller au patrimoine local. Sur le papier il y avait donc beaucoup d’ingrédients pour que ce set soit inoubliable.
Pourtant, sur le terrain de l’amusement, on a l’impression que le groupe ne prend du plaisir que sur les jams entre les morceaux. Ou quand Matt expérimente des sonorités futuristes avec la partie tactile de sa guitare. Pour le reste, il faut avouer qu’on reste sur notre faim, y compris côté interactions avec le public.
Heureusement, la dernière ligne droite composée de hits (“Supermassive Black Hole”, “Plug in Baby”, “Uprising”, “Knights Of Cydonia”) rehausse l’impression globale, mais ne parvient pas à dissiper le sentiment de gâchis, qu’on ne peut paradoxalement pas imputer au groupe (Une guitare à 8 cordes c’est bien. Branchée, c’est mieux.) En définitive, c’est pour moi un rendez-vous manqué, mais qui ne doit pas condamner le groupe à revenir dans le futur. On espérait le “Hysteria”, on a eu “We Are Fuckin Fucked”. Pour un prochain “New Born” ?
Un avis croisé réalisé par Marion Dupont et Geoffrey Guérin